Un cas comme celui auquel nous sommes confrontés cette semaine se présente très rarement. Le film français Avis de Mistral, avec Jean Reno, qui a pris l'affiche ce vendredi, a subi une altération en traversant l'océan; la comédie dramatique a changé de titre à son arrivée au Québec. Maintenant intitulée Un été en Provence, la production est une autre preuve des mondes qui nous séparent, nos cousins français et nous. La raison d'une modification si importante (le titre s'avère tout de même une donnée fondamentale dans l'intelligibilité de l'ensemble de la production, mais surtout au niveau marketing) réside dans la volonté de rejoindre le public visé, qui n'a pas les mêmes références.
Si les spectateurs ne saisissent par l'essence du titre, fort à parier qu'ils ne s'intéresseront pas à l'oeuvre. C'est du moins ce que les distributeurs croient et la raison pour laquelle ils investissent dans une refonte du matériel publicitaire (parce qu'avec un nouveau titre, il faut au minimum une nouvelle bande-annonce et une nouvelle affiche). Le changement se fait alors qu'ils remplissent leur demande de certificat pour annoncer à la Régie du Cinéma la sortie prochaine d'un nouveau film. On retrouve dans le formulaire un espace spécifique où inscrire le titre du film à l'écran et le titre original de l'oeuvre présentée.
Prenons l'exemple de cette semaine. Avis de mistral pour Un été en Provence. Le mistral est un vent qui souffle dans le sud de la France, sur les régions françaises du pourtour méditerranéen. Un vent fort et froid qui, selon le folklore, rendrait les gens fous. Comme au Québec, plusieurs n'ont jamais entendu parler de ce vent, de ses origines et de ses effets, Métropole Films, le distributeur de la production chez nous, a choisi de lui affubler un titre plus générique et allègre comme Un été en Provence. Ainsi le référent devient beaucoup plus accessible pour la masse, comme on connaît la Provence, mais pas le nom du vent qui y souffle.
Nous avons aussi récemment été confrontés à un cas de figure semblable avec Alceste à bicyclette. Sorti en janvier 2013 en France, le long métrage s'est transformé en Molière à bicyclette lors de sa parution en mai 2013 au Québec. En France, Le misanthrope de Molière est une oeuvre étudiée à l'école, une référence évidente, mais pour nous, elle n'est pas aussi saillante. Et donc, Alceste, le personnage principal de la comédie du XVIIe siècle, n'est pas, non plus, un référent efficace. Le choix de modifier Alceste pour Molière était donc un choix judicieux pour appâter le public nord-américain, puisque l'un évoque davantage que l'autre pour le public québécois.
Même si nous avons eu droit à deux transformations radicales récemment, ce n'est pas un phénomène nouveau que de modifier les titres pour faciliter la compréhension. En février 2007, le drame biographique La Môme, qui dépeignait le destin de la chanteuse Edith Piaf, a pris l'affiche en France, attirant plus de 5 millions de spectateurs dans les salles. Quand il fut temps de sortir le film au Québec, seulement un mois plus tard, TVA Films a pris la décision de modifier son titre. « La Môme » était le surnom de la diva, mais comme ce pseudonyme n'était pas très connu au Québec, les responsables ont choisi de donner à l'oeuvre cinématographique le titre d'une des chansons les plus populaires de l'artiste. Vint La vie en rose.
Encore plus loin dans le passé, il y a eu Léon. Paru en septembre 1994 en France, le film de Luc Besson racontait l'histoire d'un tueur à gages qui prend une petite fille de douze ans sous son aile, seule rescapée du massacre de sa famille, et fera d'elle une tueuse comme lui. Quand le suspense a pris l'affiche chez nous, il portait le titre Le professionnel. La décision qui a entraîné la mutation est beaucoup moins limpide ici que dans les cas précédents. On peut s'imaginer que, comme le titre américain était The Professional et que le distributeur est le même qu'aux États-Unis (Sony Pictures), il n'a que traduit le titre.
Comme les Français utilisent beaucoup d'anglicismes dans leur vocabulaire, il est aussi possible qu'un titre change lorsqu'il utilise des mots anglais que nous n'avons pas l'habitude d'employer chez nous. Ce fut le cas du film Demonlover d'Olivier Assayas, qui fut transformé au Québec en L'amant diabolique (simple traduction).
L'inverse peut aussi arriver. Lorsque le film Tout est parfait de Yves-Christian Fournier a pris l'affiche en France, il a été affublé du titre Everything is fine (le nom de sa version sous-titrée en anglais au Québec). Et quand Sur le rythme de Charles-Olivier Michaud est arrivé sur DVD en France, on y a ajouté le suffixe « Dance on the beat » à son titre initial, ce qui donnait : Sur le rythme - Dance on the beat.