Le « film de danse » est devenu, à travers les années, un genre cinématographique à part entière avec ses recettes, ses conventions et ses impératifs particuliers. Le Québec a aujourd'hui rejoint la parade - lucrative et populaire - en sortant le premier « film de danse » à proprement parler, entièrement produit chez nous: Sur le rythme. Qui de mieux que Nico Archambault, un jeune danseur prometteur pour qui le Québec a vibré lors de sa présence à So You Think You Can Dance Canada, pour tenir les rênes de ce projet de grande envergure? Et si on ajoute à la formule la scénariste de À vos marques... Party!, Caroline Héroux, l'immense talent de la comédienne Mylène St-Sauveur, quelques lumineuses prestations de certains des meilleurs danseurs québécois et une musique enlevante orchestrée par Mario Sévigny, on ne peut que constater que tous les éléments sont en place pour une première tentative réussie. Reste à savoir si le public - qui se rassemble en grand nombre dans les salles pour voir les oeuvres américaines - sera au rendez-vous. Puisque le Québec entretient une histoire d'amour avec ce genre cinématographique - 7, parfois 8 % des recettes cumulatives nord-américaines de plusieurs titres ont été amassé chez nous, un chiffre impressionnant pour un petit territoire comme le nôtre -, on peut déjà envisager des résultats honorables pour le film de Charles-Olivier Michaud.
Tous les longs métrages qui font partie de cette grande famille du « film de danse » adoptent la même formule, une recette fort simple, mais d'une efficacité sans pareille. On commence par introduire une jeune femme de bonne famille, persévérante et douée, et un garçon un peu rebelle, charismatique et mystérieux - si les parents des protagonistes sont outrageusement intolérants, incompréhensifs ou même morts, c'est encore mieux -, on mélange par la suite plusieurs styles de danse hétéroclites, tels que le hip-hop, le ballet classique, le jazz, le contemporain, tout ça saupoudré d'une trame musicale très présente, et le tour est joué. Il est également important de développer ou de toucher un tant soit peu les quelques thématiques et valeurs suivantes : l'affirmation de soi, la persévérance pour atteindre ses rêves et ses ambitions, ainsi que la souveraineté de l'amour et de la passion.
La danse a pris de nombreux sens au sein des productions cinématographiques contemporaines. Elle représente autant l'amour et le sexe (Dirty Dancing, Shall We Dance) - on peut même parfois l'utiliser comme censure pour ne pas montrer de séquences trop osées - que la confrontation et l'acharnement (Save the Last Dance, Honey). Les « films de danse » sont généralement des productions qui se veulent inspirantes, des oeuvres qui poussent les jeunes à s'extérioriser, à confirmer leur personnalité. Step Up a d'ailleurs beaucoup travaillé sur ce concept de renforcement avec ses trois opus. La danse représente donc, plus souvent qu'autrement, un moteur de changement, l'évolution lente ou effrénée de l'être - de l'adolescent. C'est généralement ce dernier qui consomme le « film de danse » traditionnel. Il y a certes eu des productions plus matures qui s'adressaient davantage aux adultes, mais la plupart tentent de toucher le coeur des jeunes, de les encourager à poursuivre leurs rêves et à travailler dur pour les obtenir (quoique quelques productions américaines promeuvent l'oisiveté; en y croyant, on peut y arriver, mais ceci est un autre problème qui ne touche pas uniquement le « film de danse»).
Il est important de ne pas mélanger les « films de danse » avec les longs métrages qui mettent en scène des danseurs ou qui renferment certaines séquences de danse. Black Swan est un excellent exemple de cette différenciation. L'oeuvre de Darren Aronofsky est très très loin des habituels bonbons que nous sert Hollywood à profusion. Dans son film, la danse représente la démence, la psychose, et n'a aucune volonté de renforcer la confiance des spectateurs, même au contraire, il mine cette dernière en déstabilisant son public.
Les « films de danse » ont tellement de résonance à travers le monde - les recettes de ces oeuvres nord-américaines tendent à démontrer qu'ils sont aussi, sinon plus, rentables à l'international - que nous ne sommes pas prêts de voir disparaître ces odes, souvent grossières, à la persévérance et à l'audace. Il faut par contre préciser que les productions qui suivent une recette à la lettre, qui s'appuient sur des règles et respectent des balises, comme les « films de danse », ne sont pas mauvaises ou fautives pour autant. Certaines sont parvenues à marquer l'imaginaire collectif et à s'inscrire sur la liste des classiques; qui oserait s'insurger contre Dirty Dancing, Footloose ou Saturday Night Fever sans craindre l'animosité de certains fidèles? Comme la culture est devenue la nouvelle religion pour bien des Occidentaux, on peut aujourd'hui s'attaquer à Dieu, mais pas à Dirty Dancing. Tenez-vous-le pour dit.