Après Les doigts croches en 2009, le réalisateur et scénariste Ken Scott présente son deuxième long-métrage, Starbuck, au public québécois. Le film, qui prend l'affiche aujourd'hui dans 83 salles à travers la province, met en vedette Patrick Huard dans le rôle de David Woskiak, un éternel adolescent de 42 ans qui apprend qu'il est le père de 533 enfants.
Scott, qui signe le scénario avec Martin Petit, a à sa feuille de route les scénarios de La grande séduction, Guide de la petite vengeance et Maurice Richard, entre autres. « C'est la première fois que je co-écris un film avec quelqu'un, et au départ, je me disais : « Hey! On est deux, deux fois plus vite! Ça va être écoeurant. ». Erreur, c'est deux fois plus long! La raison pour laquelle c'est plus long, c'est qu'il y a un débat qui s'installe pour tout. Un débat, évidemment, ça t'oblige à approfondir des idées, des intentions, à aller plus loin. C'est une richesse dans le fond. »
Beaucoup des intervenants du film ont de l'expérience comme humoristes. « Un moment donné il faut se rallier à une vision, selon moi dans un film on ne peut pas faire tous les genres d'humour, alors un moment donné il faut circonscrire, savoir quel film on fait. Il faut communiquer entre nous pour présenter l'univers vers lequel on veut aller. »
Patrick Huard, entre autres, au beaucoup d'expérience autant sur scène qu'à l'écran. « Oui. Quand tu travailles avec Patrick, ce qui est formidable c'est que c'est quelqu'un qui connaît la comédie. Moi, ma tâche, c'est de l'emmener dans l'univers que je suis en train de créer. Ce qu'il fait, c'est toujours bon, mais est-ce dans le bon film? Avec Patrick... » Il semble être quelqu'un qui aime essayer. « Oui! Il n'essaie pas d'imposer son univers, il est là justement pour travailler avec le réalisateur. »
Après l'expérience des Doigts croches, as-tu voulu faire les choses différemment? « Pas intentionnellement... Je considère avoir un métier absolument formidable, qui consiste à écrire des choses, à réaliser, dans le fond à apprendre. Je suis toujours en train d'apprendre des nouvelles choses, d'approfondir des thèmes, de faire de nouvelles expériences. Mon premier film, je l'ai tourné en Argentine avec cinq acteurs formidables, là je reviens ici pour travailler avec d'autres gens. Tous les scénarios que j'ai écrits sont un bagage pour mon prochain. Même mon métier d'humoriste avant, c'est de l'expérience que j'emmène avec moi quand je mets le chapeau de réalisateur. Mon métier c'est de communiquer. »
« Mon métier d'humoriste aussi c'était de communiquer, d'une manière différente, dans un autre médium, avec d'autres outils, mais c'est quand même communiquer. »
Il y a plusieurs niveaux de parentalité dans le film, en plus de 533 enfants. « L'idée, c'était de visiter de façon ludique tous les aspects de la paternité. Parfois, c'est plus subtil, mais, par exemple, quand il rencontre son deuxième enfant, il lui dit : « Tu pourrais dire merci. » C'est là que s'amorce toute la discussion. Mais si tu es un papa, tu sais ça que tu l'as dit un million de fois. C'est plein de petits clins d'oeil. » D'avoir autant d'enfants et aussi diversifiés permet de tout faire vivre au personnage. « Tout! Des affaires positives, des affaires négatives, des affaires plus émotives... »
« Sachant que je faisais le film, je suis allé voir les spectacles des finissants des écoles de théâtre, pour vraiment prendre des jeunes acteurs très très bons. C'est une richesse du film, je pense, de les présenter. Je voulais avoir une grande diversité. »
« Pour moi, Starbuck, c'est une comédie dramatique où j'essaie d'être dans la vérité. Autant dans le drame, quand tu n'es pas vrai, c'est du mauvais drame, c'est du mélodrame. La première qualité, c'est d'être authentique. Dans la comédie, c'est la même chose, quand tu n'es pas vrai, quand tu sens que l'acteur s'étire pour aller chercher un gag, ça marche pas, tu perds la crédibilité de l'histoire et du personnage. C'est drôle à cause de la situation. »
Antoine Bertrand, qui incarne l'avocat du protagoniste, est en accord avec son réalisateur. « Tout le monde est un peu tragi-comique là-dedans. Il n'est pas uniquement utilisé comme comic relief, je pense qu'il sert aussi à faire avancer l'histoire. Ce que j'ai aimé dans la façon que Ken nous a dirigés, c'est que ce n'était pas la comédie à tout prix, c'était la vérité à tout prix. Ce qui était drôle était drôle, ce qui est touchant est touchant, et en même temps, mon personnage est drôle, c'est sûr, de voir un père qui veut étriper ses enfants. Mais en même temps, quand tu le vois en cour, déballer sa petite banderole que ses enfants ont fait pour lui souhaiter bonne chance, c'est touchant. Une journée tu les détestes et l'autre tu ferait tout pour eux autres. »
« Moi et Ken, on avait la même vision du personnage. En audition, je lui ai proposé quelque chose de très très low profile au niveau de l'énergie, moi qui est un cheval fou d'habitude, mais pour ça j'ai été complètement dans la retenue. On était sur la même longueur d'onde. » Comment est-il comme directeur d'acteur? « Ça manière de diriger ressemble beaucoup à sa personnalité. Quand tu le rencontres, quand tu jases avec, tu le soupçonnes d'être un peu gêné, d'être très sensible, mais, une fois qu'il est apprivoisé, il est super drôle. Le film est à son image aussi. »
« Ça fait du bien aussi de voir des hommes qui prennent leurs responsabilités au cinéma. Avant, il y en avait moins... Le parcours de David dans le film est assez fidèle à ce qui se passe présentement au Québec; on passe de l'homme qui est l'éternel adolescent, qui dompe toutes les responsabilités dans la cour de la fille, à l'homme qui veut être une partie intégrante de la vie de ses enfants, qui veut être impliqué, présent. Les pères manquants, fils manqués, c'est fini ça. »
Il y avait beaucoup d'expérience côté humour sur le plateau. « Ce qui est l'fun avec du monde qui a travaillé en comédie, c'est que personne s'obstine sur le timing des affaires. Le timing comique, c'est universel, il y a des règles de base. Quand c'est drôle, c'est drôle. Si tu attends une seconde de plus, ce n'est plus drôle. Donc, l'expérience de tout le monde était vraiment utile sur le plateau. »
Quelle différence pour toi de travailler sur un plateau de cinéma plutôt qu'au théâtre ou à la télévision? « Euh... les cachets? Tout le glam. Le grand écran, il y a un petit « humpf » de plus! On a plus de temps pour tout mettre en place.»