Le tout nouveau film de Jean-Marc Vallée, Café de Flore, prend l'affiche dans les cinémas dès demain. Le long métrage raconte deux histoires en parallèle; celle de Jacqueline qui élève seule son enfant trisomique dans le Paris des années 60 et celle d'Antoine, un DJ montréalais, séparé depuis peu d'avec la femme de ses deux enfants. Il partage maintenant sa vie avec une femme sensuelle pour qui il a eu le coup de foudre.
C'est le thème musical de la chanson Café de Flore qui a principalement inspiré le réalisateur. « En 2004, j'ai découvert ce thème-là dans sa version électronique et à chaque fois que l'accordéon se met à jouer, je trouve ça beau, profond. J'ai commencé à l'écouter en boucle jusqu'à en fatiguer mon entourage. Je me devais de faire un film à partir de cette mélodie enivrante. »
Le cinéaste, qui dit être aussi heureux de présenter au public la trame sonore du film que le film lui-même, voulait que son personnage masculin principal ait un lien étroit avec la musique, c'est pourquoi il a décidé de faire auditionner des chanteurs. « On n'y croyait pas vraiment au départ, il n'y avait pas beaucoup de chanteurs de quarante ans qui dégageaient ce que je voulais pour mon personnage, mais lorsque nous avons vu Kevin Parent, nous savions que c'était notre Antoine. Ça été un peu le même processus pour Vanessa Paradis. Je n'étais pas convaincu du choix au départ, je trouvais qu'elle représentait trop la sensualité, la beauté, mais lorsque je l'ai rencontrée, elle a su me charmer en parlant avec éloquence du personnage et du film. Elle avait une vision similaire à la mienne. »
Vallée s'est donné un défi colossal en décidant de travailler avec des trisomiques; « J'ai gagné mon ciel, précise-t-il. Il faut prendre son temps lorsqu'on travaille avec eux, il faut discuter avec les parents, savoir les écouter. Nous devons faire du tournage un jeu et trouver des trucs pour attirer leur attention. Aussi, ils ont un esprit très compétitif alors j'avais engagé une doublure dont je me servais pour piquer son esprit compétitif, pour l'inciter à faire ce que j'attendais de lui. »
Et il ne s'est pas simplifié la vie non plus en décidant qu'une partie de son récit se déroulerait à Paris en 1969. « Aujourd'hui, il y a des poteaux partout pour empêcher les voitures de se stationner, il y des barrières devant les écoles pour contrer les attaques terroristes et il faut avoir l'autorisation de tourner dans les métros par exemple et s'assurer d'avoir accès aux vieux wagons et que les quais soient d'époque. C'est énormément de gestion. »
Kevin Parent, qui en est à sa première expérience de tournage au cinéma, n'a que de bons mots pour le cinéaste. « C'est un être excessivement talentueux. Il sait vraiment où il s'en va, il est très sensible et sait nous amener dans des zones où nous ne sommes pas vraiment confortables mais qui nous font vivre de fortes émotions qui nous permettent ensuite de livrer une performance adéquate. C'est vraiment l'une de ses forces, de nous amener dans un état d'esprit bien précis et efficace. »
« Parfois, je me sentais un peu comme les enfants sur le plateau; j'étais fatigué, j'avais faim, j'étais tanné. Hélène et Évelyne ont été très compréhensives avec moi, elles m'ont donné des trucs, des conseils, qui m'ont aidé à apprivoiser l'environnement et mon rôle d'acteur. J'ai dû apprendre beaucoup de choses en accéléré et j'aurais pu tomber sur un gang d'acteurs blasés, qui n'en avait rien à foutre, mais, heureusement, j'ai eu la chance de tomber sur un gang de passionnés. »
Il incarne le personnage d'Antoine, un DJ montréalais prisonnier entre l'amour de deux femmes formidables. « C'est probablement la dualité d'Antoine qui ne rejoint le plus; entre sa musique, ses enfants, la femme qu'il aime depuis toujours et sa nouvelle flamme, d'être sobre et des fois d'avoir envie de consommer. Tout ça ce sont des choses auxquelles je me suis identifié comme homme, et je pense qu'au-delà de moi, ce film-là saura toucher beaucoup de personnes parce qu'elles sauront se retrouver dans les différents personnages. »
Évelyne Brochu, qui interprète une jeune femme ancienne toxicomane qui dégage beaucoup de sensualité, a été, tout autant que Parent, impressionnée devant le travail de Vallée. « C'est quelqu'un qui a énormément de coeur et ça paraît dans sa manière de raconter des histoires, de diriger les acteurs, d'écrire des scénarios. C'est également quelqu'un de très physique et je crois que cela transparaît dans son film parce qu'il y a beaucoup d'étreintes dans le film et de rencontres physiques entre les personnages. »
« Autant il suivait une ligne directrice bien tracée, autant il pouvait improviser spontanément une scène. À un moment donné, il est allé chercher le hamster, a appelé les deux filles, a placé quelques spots, les caméras et leur a dit qu'elles étaient sur Skype et parlait à leur père qui était en voyage. Cette scène, qui n'était pas dans le scénario, est d'ailleurs restée dans la version finale. »
L'esprit créatif, à la fois instinctif et pragmatique du réalisateur, a aussi épaté la comédienne Hélène Florent, qui personnifie Carole, l'ex-femme d'Antoine et la mère de ses deux filles. « Le mot qui ressort le plus c'est : passionné. Tu te fais prendre dans son énergie, dans son histoire. Tous les jours, il arrive chargé. Il était tellement heureux de faire ce projet-là, qu'il a embarqué tout le monde dans son trip et l'ambiance sur le plateau était riche, exaltante. »
« Jean-Marc mettait de la musique sur le plateau et ça mettait tout le monde sur le même diapason. Il avait le don de dénicher la chanson parfaite pour l'ambiance de la prochaine scène, c'est un magicien. Et ça a donné un film magique. »