Dans le cadre de la sortie du film Renoir, nous avons rencontré le réalisateur Gilles Bourdos. Le film, qui a pris l'affiche en France au début de l'année, raconte les dernières années de la vie du peintre Auguste Renoir, alors qu'une nouvelle muse, Andrée Heuschling, vient poser pour lui. Lorsque le fils Jean est blessé au front et qu'il vient se reposer au domaine, il tombe aussi sous le charme de la jeune femme.
Michel Bouquet incarne le peintre, tandis que Christa Théret et Vincent Rottiers compètent la distribution.
« L'intérêt, il est venu surtout par la présence d'Andrée Heuschling, nous dit d'abord Gilles Bourdos, c'est-à-dire l'idée de pénétrer dans le domaine des Renoir à travers une jeune fille au destin assez exceptionnel; elle est dans les derniers tableaux d'Auguste Renoir, et elle est dans les premiers films de Jean, c'est quelque chose d'assez unique dans l'histoire de l'Art. »
Vous vous concentrez sur cette courte période de la vie des Renoir... « Me concentrer sur une époque plus courte me permettait d'éviter l'écueil de la biographie officielle, avec ces incontournables passages obligés, l'enfance, etc. » C'est un genre où il faut raconter des faits, alors que vous, vous dressez un portrait... « Oui, et ça permettait aussi de rentrer dans des thématiques visuelles, et de circonscrire le sujet; j'affirme un style par rapport au film. Le fait que ça se passe en 1915, sur une Côte d'Azur idyllique, ça me permettait de trouver un domaine visuel précis, ça donne une identité plus forte au film. »
Artistiquement, c'est une période unique pour Renoir... « Ce qui m'a absolument bouleversé, c'est que j'ai vu, au fur et à mesure que l'inquiétude le gagnait, parce que ses deux fils étaient au front, blessés, à mesure que la maladie le ronge, qu'il est en deuil de sa femme, tout aurait dû emmener cet homme à peindre... Le cri, de Munch? Et pourtant... lui, sa peinture se met à déborder de volupté, à chérir le motif de la joie, du plaisir, des enfants, des fruits, de la Méditerranée... »
« Cette dialectique-là a construit tout le film, c'est-à-dire ce sentiment que cette joie, dans les tableaux de Renoir, était sa manière de lutter. »
Comment avez-vous choisi vos acteurs? « Michel Bouquet, en grand maître du théâtre et du cinéma français, il s'est rapidement imposé. Il avait la malice du personnage, l'obstination. Chez Christa, je cherchais une jeune fille qui soit à la fois l'insolence et la vitalité du personnage, mais qui ait aussi sa capacité de sensualité. Et Vincent, j'avais décelé chez lui quelque chose qui me faisait penser à un jeune Gabin; j'ai demandé à Vincent non pas de chercher à imiter ce qu'on connaît de Jean Renoir, ce qui est un vieux monsieur de 50 ans, mais plutôt un acteur qui plairait à Jean Renoir. »
« Quand je vois les acteurs bouger dans la véritable lumière, je les vois bouger dans les éléments, et comment ils jouent par rapport aux autres, et là je décide comment je vais les filmer. Il faut avoir une très grande flexibilité, une souplesse... Il faut travailler vite, léger, et être attentif à ce qui se passe. Il faut garder les yeux grand ouverts. Je suis toujours étonné de voir les cinéastes qui ont le nez sur le petit dessin qu'ils ont fait il y a six mois, et qui ne voient pas les choses se passer. »
Renoir prend l'affiche dès demain à travers le Québec.