La comédie dramatique Intouchables, des réalisateurs Eric Toledano et Olivier Nakache, prend l'affiche au Québec ce vendredi après avoir connu un immense succès en France avec plus de 19 millions d'entrées. Le film raconte l'histoire de Philippe, un riche tétraplégique parisien qui engage un jeune homme des banlieues, Driss, pour s'occuper de lui. Ce dernier refuse de s'arrêter au handicap de Philippe et de le prendre en pitié, ce qui transforme leur relation en véritable amitié. François Cluzet et Omar Sy incarnent les deux personnages principaux.
François Cluzet a beaucoup misé sur son expérience pour incarner le personnage de Philippe, confiné à son fauteuil en permanence. « Pour moi, être un bon acteur, c'est être un bon partenaire. On ne fait rien tout seul. Dans la vie, déjà, mais au cinéma... le cinéma c'est un sport collectif. C'est pas parce que vous n'avez pas la balle que vous ne jouez pas. »
Comment vous êtes-vous préparé pour le rôle? « D'une manière cérébrale, au début, ensuite en rencontrant Pozzi di Borgo, le type, ensuite en allant voir de près comment vivent les tétraplégiques, et puis, ensuite, d'une manière plus intéressante, peut-être, en tant qu'acteur, lorsqu'on a reçu le fauteuil. C'est une espèce de Mercedes des fauteuils, qui coûte une fortune d'ailleurs (45 000 euros); vous pensez bien que tout le monde ne peut pas s'offrir un fauteuil pareil, mais mon personnage lui le peut, parce qu'il a des moyens. »
« Au théâtre, on dit d'un accessoire qui « fait » le rôle que c'est un « accessoire chef ». Il fabrique le rôle. En l'occurrence, le fauteuil fabrique mon rôle. Tout le monde attendait le moment où j'allais me mettre dans le fauteuil, mais j'ai assez d'expérience pour savoir que c'est un moment un peu sacré, c'est-à-dire; qu'est-ce que j'allais ressentir en me mettant dans ce fauteuil? Ce n'était pas anecdotique, ça allait me servir. J'ai attendu qu'ils se dispersent un peu, quand j'ai été tout seul je me suis concentré en m'imaginant que c'était moi, François, qui avait eu un accident de moto et qui était devenu tétraplégique. »
« J'ai ressenti une profonde détresse. Je me suis dit : « J'ai gâché ma vie. Je n'aurais jamais dû prendre ma moto. » Ce que j'ai ressenti là, je me suis dit qu'il valait peut-être mieux mourir qu'on vienne m'assister pour tout; quand je dis tout, je veux dire les choses les plus humiliantes pour un handicapé tétraplégique. »
« Moi je n'aime pas jouer; je suis venu dans ce métier pour vivre. Vous êtes acteur ou vous ne l'êtes pas; si vous ne l'êtes pas, vous jouez, si vous l'êtes, vous vivez. Je ne crois pas aux acteurs qui font semblant. »
Même s'il avait déjà travaillé à plusieurs reprises avec les deux réalisateurs, Omar Sy était surtout connu pour ses capsules humoristiques télévisées avec son complice Fred. « Le film a touché pas mal de personnes, forcément ma carrière a pris un certain tournant aujourd'hui. Avant, j'étais connu comme humoriste surtout. J'avais mon petit truc à la télévision qui marchait bien... aujourd'hui, j'ai l'impression d'être considéré comme un acteur, c'est une chance. »
Le film a rencontré un succès qui dépasse toutes les prévisions... « On ne s'attend jamais à ça. Quand on fait un film, on espère et on le fait pour qu'un maximum de personnes le voient et aiment le film. Après, le film nous a totalement dépassé... aujourd'hui, il ne nous appartient plus, il est dans les mains du public. Il en a fait ce qu'il est devenu aujourd'hui. »
« L'explication réelle, je ne l'ai pas, mais selon moi, il y a un truc de moment, c'est que le film a répondu à un besoin des gens. L'envie de respirer un peu, de donner un peu d'espoir, c'est comme ça que je me l'explique. L'atmosphère au pays, des gens dans ce pays, pour eux le film était comme une respiration, une petite lueur d'espoir. De solidarité, d'humanité tout simplement. »
« C'est un film dans lequel les choses se font, par les gens, sans attendre rien des autres, et on se dit qu'on peut peut-être s'en sortir par nous-mêmes, peut-être que c'est ça l'espoir qu'a donné ce film-là. »
Vous retrouvez donc deux réalisateurs que vous connaissez bien. « Éric et Olivier sont des garçons qui travaillent beaucoup avant, pendant et après le tournage, qui se remettent beaucoup en question, ils ne cessent d'avancer et de chercher. Ce sont des garçons qui ont un certain sens de l'humour, qui sont dotés d'une certaine bonne humeur aussi; c'est aussi mon cas, donc même si on travaille, même si on est sérieux, on le fait avec une certaine légèreté et dans la bonne humeur. »
« Quand ils écrivent ce personnage, quand ils écrivent des dialogues, ils m'ont en tête, et ils m'ont bien en tête parce qu'ils me connaissent bien. Quand j'ai à jouer les choses, c'est moins compliqué pour moi parce qu'ils m'ont fait un costard sur mesure. La confiance est là. François, avec qui on travaillait pour la première fois, il a très bien vu ça, parce qu'il a son talent, son expérience, son intelligence, il a très vite compris ça et qu'il s'est imbriqué très rapidement. On n'a pas eu besoin de se séduire les uns les autres. »
Certains médias américains ont taxé le film de raciste. « Oui, il y a eu un article comme ça, sur le racisme, sur l'interprétation de mon rôle, du personnage de Driss... D'après moi ils n'ont pas du tout vu le même film que moi, ils n'ont pas le même rapport avec les Noirs qui vivent aux États-Unis, avec l'esclavagisme, etc. En France, c'est très différent. Eux, ils ont vu ça avec leur Histoire. »
François Cluzet perçoit la même chose. « Pour le racisme, je crois que le problème n'est pas le même en France qu'aux États-Unis. Nous avons profité de l'argent de la traite des esclaves, eux, ils ont bâti le pays avec. Aujourd'hui, ils font très attention à leur racisme, parce qu'ils se sont battus pour que le racisme disparaisse. Ils sont très en regard sur ce qui peut se passer dans un film. Pour nous, ce n'est pas du tout la même chose. »
« Dans le fait divers, le type n'est pas black, il est maghrébin. Si on a pris un Black, c'est tout simplement parce que le meilleur acteur pour jouer ce rôle, est black. Il est bien meilleur que les autres qu'on aurait pu prendre. »