Le deuxième long métrage de la réalisatrice française Céline Sciamma, Tomboy, sera présenté au Québec dès le 8 juin après avoir pris l'affiche en France le 20 avril 2011. Rencontrée à Paris plus tôt cette année, la réalisatrice parle de ce projet écrit, tourné et monté en un an et qui a aussi connu une longue carrière sur le circuit des festivals avec des présentations à Berlin, Édimbourg, Los Angeles et Montréal, dans le cadre du FNC.
Le premier long métrage de la réalisatrice, Naissance des pieuvres, avait été vendu dans une quinzaine de territoires. Dans ce cas de Tomboy, on parle de deux fois plus. « Je pense que le film est plus grand public, plus accessible. Plus léger, aussi, que le premier, qui était dans une forme de mélancolie et d'indolence de l'adolescence, alors que là il y a quelque chose qui est aussi de l'ordre de la comédie qui touche les gens. »
Les deux films abordent la question de la quête identitaire à l'adolescence. « C'est des histoires que je ne peux pas m'empêcher de raconter, en fait, mais je suis contente de ne pas pouvoir m'en empêcher parce que ce sont de vraies opportunités de fiction. Tomboy, c'est une histoire qui n'a pas été beaucoup racontée, du coup il y a l'opportunité d'écrire une scène qu'on n'a jamais vue. Quand on écrit une scène d'une petite fille qui fait un faux sexe en pâte à modeler, on se dit que c'est assez inédit. »
« Le sujet est assez singulier, voire subversif, mais en même temps on peut vraiment faire un récit populaire. Je l'ai écrit comme un film policier, une histoire d'infiltré. »
Il fallait trouver une jeune actrice capable de jouer ce personnage. « Ça conditionnait l'existence du film : soit je trouvais l'enfant, soit je ne le faisais pas. Bizarrement ça n'a pas été si compliqué... Je suis allée directement en agence de comédien, ce qui me faisait peur, parce que ce sont des enfants qui ont des expériences publicitaires, qui ont aussi des physiques publicitaires généralement, qui ont un rapport à leur image qui est déjà construite... On m'a parlé de Zoé Héran, une petite fille qui ne joue pas souvent, différente, un peu garçon. J'étais d'emblée conquise. »
« Elle avait de l'amitié pour le personnage, elle comprenait sa vie. Je l'ai choisie tout de suite et j'ai fait tout le casting autour d'elle. J'ai choisi les vrais amis de la comédienne, dans la vie. Tout ça parce que je n'avais pas le temps de répéter. »
Est-ce pour les enfants ça demeure toujours un jeu, de jouer la comédie? « Non, justement. Parce que quand ce n'est pas un jeu, ça ne marche pas, il faut que ça reste un jeu. Très rapidement, ça ne les amuse plus, parce que c'est du travail, ils n'ont pas la notion de la responsabilité et on ne peut pas les appâter avec le chèque, ils s'en fichent. Donc, la difficulté c'est de trouver des stratégies pour qu'ils trouvent ça marrant. Quand il y a beaucoup d'enfants, c'est plus simple parce qu'ils sont ensemble, mais bon, même jouer au foot, après cinq heures, ils en ont marre. »
« Il faut jouer tout le temps avec eux, donc on n'est pas du tout dans la solennité du tournage. En plus, on ne travaille pas de la même façon avec un enfant de onze ans, qui est capable de se concentrer, et une petite fille de six ans. Quand elles sont toutes les deux dans le cadre, c'est deux stratégies différentes. »
« Ça se passe déjà à l'écriture; il y a très très peu de scènes de dialogues, elles font toujours quelque chose : on danse, on fait de la pâte à modeler, on prend un bain, il y a quelque chose qui est de l'ordre de l'action qui aide aussi les enfants. »
Ce sont des quiproquos qui mènent Laure à apparaître comme un garçon auprès de ses nouveaux amis. « Je ne voulais pas faire un film sur le « pourquoi » - je ne sais pas « pourquoi », d'ailleurs - ni faire un film psychologique, qui ne va pas, pour moi, avec la dynamique de l'enfance. On n'est pas dans le « pourquoi » mais dans le « comment » on fait. »
Mais les parents, eux, vont vouloir savoir pourquoi. « Oui. Et quand bien même je n'ai pas la réponse, le film aurait été malhonnête s'il avait fait l'économie de ce à quoi s'expose ce genre d'initiative. Il fallait passer par un moment de violence et de questionnement. Je voulais travailler sur une famille où il y a de la tendresse, de l'amitié. Aussi pour ne pas faire le drame social, ne pas donner de clé : dans cette famille il y a des problèmes; non, il n'y a pas de problèmes. Au départ, elle est garçon manqué et ça va à tout le monde, elle peut s'habiller comme elle veut. »
Vous avez tourné avec un appareil-photo numérique, le Canon 7D. « Économiquement, c'était un choix réaliste. Il était plus léger qu'une caméra, pour tourner à autant d'enfants. L'appareil est moins impressionnant pour les enfants, et puis c'est aussi un choix esthétique. Le numérique, souvent c'est très défini, avec l'appareil-photo qui a un grand capteur, on retrouve le jeu sur les profondeurs de champ qu'on a avec le 35 mm, donc on peut shooter les fonds, créer des figures qui se détachent sur des fonds. On peut vraiment travailler l'image. »
Qu'apprend-t-on sur le film à l'étape du montage? « On apprend que ce qui marche, c'est ce qu'on avait prévu. Que le romantisme de « les enfants vont faire des trucs géniaux », c'est faux. Ils peuvent faire des trucs chouettes, mais ça ne va pas dans le film. Avec le numérique, le nombre de rush par film explose, mais ça ne sert à rien. »