Le plus récent film du vétéran réalisateur Bertrand Blier, Le bruit des glaçons, prend l'affiche au Québec cette semaine après avoir pris l'affiche en France le 25 août dernier. Jean Dujardin y incarne un écrivain fini devenu alcoolique qui vit avec sa servante dans sa maison de campagne. Albert Dupontel incarne son cancer, qui vient un jour cogner à sa porte.
Comment vous a-t-on reçu quand vous êtes arrivé avec cette idée de cancer qui frappe à la porte? « Très mal. En même temps très bien, parce que le scénario plaisait beaucoup. J'avais écrit un scénario assez agréable à lire, les gens me félicitaient mais en même me disaient : « c'est très beau mais en même temps, c'est pas possible parce que le cancer, on ne peut pas faire ça.... »
Avec votre feuille de route, est-ce plus facile de porter vos idées à l'écran? « C'est beaucoup plus difficile maintenant, parce qu'on prend beaucoup moins de risques aujourd'hui avec les films d'auteurs que dans les années 80. J'ai fait des films que je ne pourrais pas faire aujourd'hui. C'est plus lourd, l'industrie du cinéma a changé, les producteurs sont plus prudents. »
Vous avez deux têtes d'affiche parmi les plus « in » du moment avec Jean Dujardin et Albert Dupontel. Que cherchez-vous chez un acteur? « Il faut qu'ils soient des grands acteurs, c'est tout ce que leur demande... Ils doivent avoir du génie! On n'est pas très exigeant, n'est-ce pas? Je pense que ce n'est pas la peine de faire des films si on n'a pas des grands acteurs. »
« Ils sont très différents l'un de l'autre, mais ils sont tous les deux très disponibles pour le metteur en scène, pour l'auteur. Ça ne veut pas dire qu'ils font aveuglément ce que je leur demande. Je n'aime pas trop en parler de la direction d'acteurs, parce que c'est un mystère : on y croit, on n'y croit pas... ça ne s'écrit pas, on ne peut pas mettre des notes sur une partition comme en musique. »
Travaillez-vous beaucoup en répétitions? « Du tout. On a des conversations, évidemment, il faut réfléchir, on parle un peu des personnages. On parle surtout des choses qu'il ne faut pas faire, on détecte les pièges. D'ailleurs c'est souvent comme ça le cinéma. C'est pareil pour la lumière. On dit à l'opérateur : « Je ne sais pas quelle lumière je veux, mais je sais que je ne veux pas, par exemple, que ça soit joli. » Avec les acteurs c'est pareil. Mais bon, les acteurs ils font tout le temps le contraire de ce qu'on leur dit. »
Vous placez Jean Dujardin dans un rôle assez inhabituel pour lui. « C'est ça qui lui a plu. Jean est un acteur comique, c'est un acteur très drôle, mais il peut tout jouer parce qu'il a un physique exceptionnel : le séducteur, le comique, le crétin. Là il fait un alcoolique. »
Est-il possible qu'un acteur connaisse mieux sont personnage que vous? « Non, je ne crois pas. Par contre, ce qui se passe parfois, c'est que l'acteur donne quelque chose en plus, quelque chose qu'on n'avait pas prévu et qui s'appelle le génie. Ils inventent à partir de ce que veut l'auteur. Ça arrive avec les très grands acteurs seulement. »
Vous prenez la liberté dans votre film de vous adresser directement à la caméra à travers les personnages, qui peuvent aussi commenter l'action d'un flash-back, par exemple. C'est assez rare qu'un film traverse cette barrière. « Je ne sais pas. C'est le mélange des genres, c'est la liberté, c'est le cinéma. C'est tout fabriqué le cinéma, donc on peut très bien avoir une scène d'amour importante et soudainement parler à la caméra et dire : « Je ne suis pas sûr qu'elle me plaise tellement » et continuer. D'abord c'est très amusant, et ça peut être émouvant aussi. C'est du cinéma, alors pourquoi ne pas s'offrir toutes les libertés? »
D'autant que le public endosse la réalité du film et a le réflexe d'y croire. « On peut y croire et savoir en même temps que c'est du cinéma. Et jouer avec. »
Croyez-vous que les sociétés françaises et québécoises percevront le film de la même manière? « Je pense qu'il n'y a pas de problème. Je suis allé présenter des films chez vous, j'ai dû y aller trois ou quatre fois, Les valseuses, Préparez vos mouchoirs, Trop belle pour toi... Au Québec, on est très proches. Les Québécois aiment rire, et ils sont attirés par le cinéma français. »