Un autre monde

À nouveau, Stéphane Brizé et son coscénariste Olivier Gorce excellent à pointer la violence (...) et le dévoiement de la langue managériale, où le terme « courage » revient en leitmotiv. De même, l'ensemble de la distribution, acteurs et non-professionnels mêlés, suscite l'admiration, avec une mention spéciale à l'ex-journaliste Marie Drucker, patronne coupante comme une lame.

Un autre monde n'est pas un film de plus mais une pièce essentielle d'un puzzle loin d'être achevé.

Sobre et émouvant, Vincent Lindon porte sur son visage fatigué tout le poids de son personnage et par-delà, des femmes et des hommes qui souffrent en entreprise. Le bilan est amer, mais la résilience possible.

Il y a du thriller et même du mélo dans ce beau film, qui met à nu les mécanismes du monde du travail et la possibilité -ou pas- du libre arbitre.

Lindon évoque le Montand de Vincent, François, Paul et les autres... Stéphane Brizé continue à filer son chemin, entre Sautet et Ken Loach.

Le secret de ce film passionnant, sans coups de feu, sans poursuites en voiture, sans bagarres chorégraphiées ? Juste l'essentiel, juste du cinéma et du cinéma juste.

Après « La Loi du marché » et « En guerre », Stéphane Brizé poursuit son exploration du monde du travail, à travers le portrait d'un patron d'usine dans la tempête. Un film tranchant et haletant.

Un autre monde brosse avec une force dévastatrice le portrait d'un cadre loyal soudain défié par les barrières morales avec lesquelles il composait jusqu'alors. Le voilà soudain tenté par le mensonge, confronté à la trahison, condamné à la solitude. Lindon impérial, faut-il le préciser ?

Difficile de ne pas se laisser submerger en même temps que ce manager dépassé tentant vainement d'enrayer un processus inéluctable. La force de l'interprétation de Vincent Lindon et l'évolution de son personnage sont d'une force inouïe.

Un autre monde clôt cette trilogie avec lucidité et cette rhétorique, parce que précise et éloquente, l'emporte sur l'émotion.

Avec courage, dignité et fermeté, ce sera l'individu dans toute son intégrité qui gagnera et non les euros ni le désir d'une carrière aboutie.

Après avoir ciblé le chômage (La loi du marché, 2015) et les luttes syndicales (En guerre, 2018), le cinéaste braque dans Un autre monde une caméra criante de vérité sur un patron broyé par une machine qui n'épargne à peu près personne.

Face à Vincent Lindon, Sandrine Kiberlain est particulièrement bouleversante, dans un film évoquant avec grande justesse la nouvelle réalité du monde du travail.

Du reste, le volet familial du film frôle parfois le pathos, formant un vif contraste avec l'intrigue principale, traitée avec froideur et un grand souci de précision. En particulier dans le choix des euphémismes employés par les gestionnaires pour briser des vies, au nom d'une logique marchande impitoyable.