Quelques heures de printemps

En privilégiant des plans d'intérieur longs, très fluides, le réalisateur permet à ses interprètes de donner toute la mesure de leur talent.

Les acteurs insufflent à leurs partitions respectives une incroyable justesse. Vincent Lindon, qui retrouve le réalisateur de Mademoiselle Chambon, livre avec sobriété une prestation où son corps parle davantage que ses mots.

Formellement, Brizé observe son duo avec aprêté et une attention aussi rugueuse que minutieuse au vivant, aidé en cela par ses comédiens d'une immense justesse.

Certes, le parti pris est parfois difficile à gérer: faire durer les scènes est une mécanique de précision et quelques maladresses dans le domaine font tache au milieu d'un ensemble globalement bien maîtrisé.

Comme souvent avec les plus risqués des paris, ce film dont on sort profondément ému, mais aussi apaisé, trouve son épanouissement dans une infinie délicatesse.

Sur ce fond austère, une infinité de nuances et deux acteurs en grâce. Raidi dans ce grand corps sans adresse, Vincent Lindon semble cacher les mots sous une armure d'airain.

Les acteurs, tous formidables, servent avec éclat cet éloge du libre-arbitre dont on sort calciné.

Stéphane Brizé filme cette cérémonie funèbre avec pudeur, rigueur, au moyen de plans-séquence discrets, presque invisibles.

Le cinéaste a décidé d'entrée de jeu que ses personnages ne savaient pas s'exprimer. Mais cette parole n'est mutilée que pour laisser le champ libre à tous les signes clignotant de la déco, des accessoires (la collection de poupées en porcelaine dans la chambre d'Yvette…) et à la poésie constipée qui entend honorer les classes populaires de ce supplément d'âme qui n'est pas nécessairement une marque de respect.

Hélène Vincent est éblouissante de vérité et tient le film sur ses épaules tandis que Vincent Lindon évolue comme à son habitude sur une partition très sobre.

Quelques heures de printemps souffre un peu de son rythme lent et de son approche rugueuse, bien que ce soit cohérent avec la volonté de donner de la chair aux personnages et de démontrer leur profonde incommunicabilité.