Zootopia n'est peut-être pas « le meilleur film d'animation de tous les temps » comme certains critiques, un peu trop enthousiastes, ont avancé, mais il s'agit certainement de l'oeuvre avec le plus grand potentiel de résonnance dans le monde, le film le plus adapté au contexte politico-social actuel. Le nouveau long métrage de Disney est pour les parents une allégorie sur le racisme et la xénophobie et pour les enfants une aventure désopilante et enlevante ainsi qu'une belle histoire d'amitié entre deux êtres que tout oppose.
Les deux niveaux de langage sont développés avec le doigté légendaire de Disney. Les métaphores entre le monde humain et celui des mammifères de Zootopia sont nombreuses et pertinentes. On fait notamment référence aux pseudonymes péjoratifs affligés à une ethnie, comme « nègre » pour un Noir, alors que la lapine refuse qu'on la surnomme « mignonne ». « Les lapins peuvent se traiter de « mignon » entre eux, mais refusent d'être ainsi appelés par les autres. » La notion de peur d'autrui, de xénophobie, est aussi excessivement bien dépeinte grâce à une analogie entre les prédateurs et les proies.
Le film adapte aussi habilement certains éléments de notre monde au sien. On entre notamment dans un club nudiste (des animaux sans pantalons, c'est beaucoup moins choquant que des humains sans caleçon), on se rend au département des plaques (où des paresseux répondent aux clients) et on pénètre dans une crémerie pour éléphants.
Les personnages sont tous plus attachants les uns que les autres, à commencer par Judy, une lapine qui, alors que tout le monde la croyait incapable, a rejoint le service de police de Zootopia en tant que le premier lapin admis dans les forces de l'ordre, et Nick, un escroc de la plus pure espèce, qui cache un côté sensible et un passé houleux. Les personnages plus secondaires ne laissent pas leur place non plus. Impossible de ne pas tomber sous le charme de Clawhauser, ce réceptionniste-léopard du poste de police qui ne cache pas son côté maniéré, et de Mr. Big, le chef musaraigne de la mafia qui parle comme Le parrain.
La qualité esthétique de ce film n'a rien à envier aux autres productions de Disney. Zootopia est visuellement impressionnant, tant au niveau de ses couleurs, de son style et de ses proportions (très importantes quand on compare des lapins à des éléphants, des souris à des guépards). Le 3D n'apporte, encore ici, rien de particulier à la production, qui peut vivre (on pourrait même dire : vivrait mieux) sans la stéréoscopie.
Martin Matte et Julie Le Breton, qui prêtent leur voix aux parents de Judy Hopps, se débrouillent assez bien, quoique Le Breton soit plus habile que Matte qui semble gérer difficilement son français international (ou peut-être est-ce nous qui n'avons pas l'habitude de l'entendre s'exprimer de manière aussi soignée).
Zootopia est une réussite indéniable. On en ressort avec beaucoup plus que ce sentiment de plénitude que nous proposent généralement les films d'animation de Disney. Zootopia nous propose une vraie réflexion sur l'avenir de notre planète, de notre race, de nos choix sociétaux et de notre xénophobie pathologique. Et tout ça avec des éléphants qui font du yoga et des gazelles qui dansent en costume pailletté sur des airs pop vers d'oreille. Quoi demander de plus?