Le succès de Thanksgiving d'Eli Roth a relancé une mode que l'on préférait oublier: celle de créer un film d'horreur en l'honneur d'une fête. Mis à part le premier Halloween de John Carpenter, il n'y a pourtant jamais eu de proposition particulièrement convaincante.
La Saint-Valentin ne fait pas exception. Entre le grossier My Bloody Valentine (1981), son inutile remake en 3D et le consternant Valentine (2001), le rendez-vous des amoureux ne fut jamais source de plaisir. Il faut remonter au sublime Picnic at Hanging Rock de Peter Weir en 1975, où des adolescentes disparaissaient sans laisser de trace un 14 février, pour être happé par une tragédie énigmatique, lyrique et mélancolique à la fois.
Heart Eyes prend l'affiche et les attentes ne sont pas particulièrement élevées. Depuis quelques années, à chaque 14 février, un mystérieux tueur masqué s'en prend à des couples. Peu importe ses motivations (non, il n'y a pas eu de tragédie dans une mine comme dans My Bloody Valentine), il est contre l'amour et le bonheur. Aujourd'hui, il jette son dévolu sur deux publicitaires - Ally (Olivia Holt) et son collègue Jay (Mason Gooding) - qui ne se sont même pas déclarés leur flamme, se fiant à un seul petit baiser échangé...
Ce qui séduit d'emblée est cette façon de mélanger les genres les plus improbables, créant des amalgames incroyables. Il y a toujours du suspense et de l'horreur au menu, mais également de la comédie et de la romance. Les trois scénaristes ont détourné par le passé des productions d'épouvante en y amenant une modernité qui fait un bien fou, ce qui explique les réussites - même modestes - des deux Happy Death Day, Freaky et It's a Wonderful Knife.
Heart Eyes ne sera sans doute pas le long métrage le plus angoissant de l'année ni le plus épeurant. Les réels frissons se font d'ailleurs rares tant l'humour, absurde et satirique, prend énormément de place. Son exécution demeure toutefois louable et le slasher fera couler beaucoup d'hémoglobine avec ses meurtres sanglants. Entre une poursuite dans un carrousel, une visite impromptue au poste de police et une séance de cache-cache dans un ciné-parc, les lieux participent grandement au plaisir éprouvé. La mise en scène soignée de Josh Ruben (dont les précédents Werewolves Within et Scare Me détournaient déjà les genres avec brio) participe à cet effet, misant davantage sur l'efficacité que la subtilité.
Plus intéressante encore est cette façon dans ce contexte morbide de tout opter pour la romance. L'aspect sentimental est au coeur du récit, guidant le rythme et la plupart des dialogues. Célibataire ne croyant pas à l'amour, les certitudes d'Ally sont ébranlées lorsqu'elle fait la rencontre de Jay et qu'elle doit passer du temps avec lui pour sauver son emploi. Leur chimie est rapidement palpable et ces personnages attachants semblent provenir d'une vieille comédie loufoque comme His Girl Friday (Howard Hawks, 1940). La performance truculente de la chanteuse et comédienne Olivia Holt s'amalgame à celle, particulièrement charmante, du charismatique Mason Gooding (le fils de Cuba Gooding Jr.). Le reste de la distribution offre du jeu joyeusement chargé, dans le ton de la production.
En s'amusant avec les clichés des films romantiques et en les amenant sur le terrain de l'horreur, Heart Eyes aimerait être le nouveau Scream. Le ton est similaire, que ce soit ses conversations méta et ses références au cinéma, jusqu'à sa conclusion ridicule, qui ne fait pas dans la demi-mesure. L'ensemble ludique n'en demeure pas moins agréable et divertissant, passant bien près d'être culte, rappelant qu'au jeu de l'amour, il faut profiter de l'instant présent. Tout peut se terminer à chaque moment, qui est symbolisé à l'écran par ce tueur masqué aux yeux de coeur. L'amour à mort, pour reprendre le titre d'un opus du cinéaste Alain Resnais? Peut-être bien.