Bon an mauvais an, il y a toujours un film de Woody Allen pour égayer sa journée. Alors que Wonder Wheel possédait tous les éléments pour être un de ses meilleurs efforts depuis belle lurette, la réalité est toute autre et il s'agit plutôt d'une de ses pires oeuvres en carrière.
Ce n'est pourtant pas la faute de Coney Island où se déroule l'action. La plage est filmée magnifiquement par le grand directeur de la photographie Vittorio Storano (Apocalypse Now, Le dernier empereur). Les images fabuleuses, les couleurs foudroyantes et les nombreux effets visuels arrivent à recréer parfaitement le climat des années 50. Celui de The Little Fugitive où les visiteurs affluent en grand nombre l'été, créant une cacophonie foudroyante qui, mélangée aux bruits ambiants de manèges et de cris, rendent littéralement fou.
C'est d'ailleurs ce qui arrive à Ginny (Kate Winslet). Le soin sonore recrée constamment ses humeurs, passant de la chaleur suffocante aux averses dispersées. Comme la plupart des héros alleniens, elle fantasme sur l'herbe verte du voisin. Le rêve d'un monde meilleur qui sera évidemment altéré par le destin. La grande actrice, toujours formidable, fait de l'ombre au reste de la distribution, pas toujours bien dirigée. À quoi bon faire appel à Jim Belushi si c'est pour offrir du sous John Goodman? L'original a bien meilleur goût. C'est le cas également de Juno Temple qui ne change jamais de registre. En narrateur omniscient, Justin Timberlake n'est pas mauvais, sauf qu'il n'a strictement rien à défendre.
C'est justement le plus gros problème de Wonder Wheel. Le scénario ne fait pas seulement remâcher encore et toujours les mêmes éléments, mais ce qui en ressort n'a plus aucun goût. L'intrigue qui multiplie les péripéties secondaires s'avère assez quelconque. Tout y est prévisible. Il n'y a malheureusement pas les habituels dialogues truculents de Allen pour sauver la mise. Le cinéaste, en très petite forme, tente un humour qui tombe à plat et un drame qui lève à moitié.
Sa mise en scène volontairement théâtrale lorgne vers du Tennessee Williams de bas étages. On sent un désir de brasser la cage, de foudroyer la sphère familiale à l'aide de nombreuses engueulades qui sont filmées longuement, sans trop recourir au montage. Si cela fonctionnait sur l'excellent Blue Jasmine, l'exercice montre ici rapidement ses limites tant on ne sent jamais la vie habiter les mots et les êtres.
On devine sans difficulté que Wonder Wheel est un des récits les plus personnels de son auteur. Ce petit garçon passionné de cinéma qui passe son temps à mettre le feu, c'est Woody. C'est également lui que l'on retrouve dans le personnage principal, prêt à tout larguer pour vivre avec une personne plus jeune. Dommage qu'en se dévoilant autant, le créateur de classiques indémodables comme Annie Hall et Manhattan ait oublié de s'investir, demeurant continuellement en surface. Espérons qu'il se ressaissise sur A Rainy Day in New York, son énième long métrage qui prendra l'affiche l'année prochaine et dont la distribution - Timothée Chalamet, Selena Gomez, Elle Fanning, Jude Law - fait saliver.