*** Le film est disponible pour visionnement sur Apple TV+.
La figure du loup ne fait qu'une bouchée du cinéma d'animation récent. Elle peut être cauchemardesque comme dans The Wolf House, un délire hallucinant qui évoque autant Jan Svankmajer que David Lynch. Plus oubliable, comme en fait foi l'inoffensif 100% loup qui s'adresse à un très jeune public. Ou tout simplement fantaisiste, à l'image du splendide Wolfwalkers qui deviendra à coup sûr un classique.
Ce dessin animé d'exception est issu de l'imaginaire infini de Tomm Moore, absent des écrans depuis 2014. C'était l'année charnière du Prophète, un projet commun entre plusieurs réalisateurs (comme Bill Plympton, Joann Sfar...) qui n'était pas à la hauteur des talents réunis. Et surtout Song of the Sea, un bouleversant conte qui tentait de rivaliser avec Le tombeau des lucioles d'Isao Takahata comme l'animation la plus triste de tous les temps.
Avec Wolfwalkers, le cinéaste termine sa trilogie folklorique de légendes irlandaises et de familles divisées en s'abreuvant aux sources de son premier long métrage (le déjà fabuleux The Secret of Kells), ramenant cette nation éplorée et cette peur de l'étranger qui peuvent être sauvées en cohabitant avec des loups. Une nouvelle fable humaniste et écologique, politique à ses heures, qui célèbre l'amitié féminine à l'aide de personnages complexes, et ce, sans jamais faire la morale.
Cette conclusion a surtout le mérite d'être la plus belle du lot, la plus conséquente esthétiquement. Comme toujours, les images sont foudroyantes de détails et de teintes renversantes, hypnotisant la rétine par la richesse de sa palette de couleurs et la qualité de ses graphismes qui se moquent des modes en place. Lorsque l'inventivité est de mise, rien ne peut l'arrêter. L'ensemble est si admirable que le cinéphile finit par oublier les quelques errances du récit et le rythme plus laborieux de la première partie.
Les mélodies féeriques et enchanteresses de Bruno Coulais (Les choristes, Coraline) s'occupent du reste. Sa collaboration avec Moore a toujours porté ses fruits et elle atteint ici des sommets d'harmonie, alliant les influences anciennes et modernes. Même les traditionnelles chansons arrivent à être plus inspirantes que kitsch.
Combinant la rigueur intellectuelle de The Secret of Kells aux émotions démentielles de Song of the Sea, Wolfwalkers n'a aucune difficulté à semer la compétition - désolé Soul - afin de devenir l'animation la plus rassembleuse et majestueuse des dernières années, qui plaira autant aux petits qu'aux grands. En attendant de pouvoir la découvrir un jour comme il se doit sur grand écran, s'y initier chez soi s'avère le remède tout indiqué pour ramener un peu d'espoir au monde. L'idéal serait de le regarder en programme double avec l'éblouissant Les enfants loups de Mamoru Hosoda.