Les films d'horreur contemporains sont trop souvent séparés en deux clans distincts. Il y a ceux à saveur psychologique (It, la série Conjuring) qui utilisent des métaphores pour mieux parler du monde qui nous entoure. Puis il y a les productions qui carburent au premier degré (Happy Death Day, les derniers épisodes d'Insidious) afin de privilégier le maximum de rires et de frissons. Winchester qui s'inspire d'une histoire vraie fait le grand écart entre ces pôles trop souvent opposés avec un résultat surprenant.
Tirant son titre des célèbres carabines (afin d'en savoir davantage, l'excellent western Winchester '73 est un must), Winchester est une oeuvre hantée à bien des niveaux. C'est ce qui arrive à la riche héritière (Helen Mirren) de cette compagnie, qui tente d'apaiser les esprits des gens décédés sous le feu de ses armes en construisant perpétuellement de nouvelles pièces à son immense maison. L'héroïne - et symboliquement l'Amérique - devra ainsi expier un passé ensanglanté. Du simple long métrage de genre, l'effort devient rapidement un brûlot contre les armes à feu. Une réflexion souvent mélancolique qui se déroule à bien des niveaux, autant politique et historique que romanesque et familiale. Évidemment, cette incroyable matière première n'est pas toujours bien exploitée au passage, mais sa seule existence est déjà immense.
Conscient qu'il se mettrait à dos une bonne partie du public cible en empruntant uniquement cette voie sérieuse (l'exquis It Comes at Night est le dernier exemple récent), le scénario sacrifie une partie de sa profondeur en optant pour un divertissement efficace, mais balisé. Si l'on sait exactement où va le récit, que ses effets-chocs s'avèrent attendus et que les clichés sont présents (par les miroirs, les portes qui s'ouvrent mystérieusement, les chaises qui bougent, les enfants possédés, ce satané réflexe de descendre à la cave ou de sursauter à cause de la musique), le plaisir y est néanmoins présent. En fait, on ne peut s'empêcher de rire devant le ridicule des situations et les comportements des personnages. C'est souvent grotesque et parfaitement assumé.
Le plus grand plaisir est de se perdre dans ce manoir labyrinthique, cousin éloigné du classique The Haunting de Robert Wise. Les pièces se forment et se déforment comme si on était dans l'esprit de sa propriétaire, ce qui donne des moments hallucinants et d'autres qui demeurent malheureusement au stade de l'embryon. Dans le rôle principal, difficile d'imaginer quelqu'un d'autre qu'Helen Mirren. Alors qu'on l'identifie généralement aux drames implacables, cette grande actrice a toujours fait preuve de diversité dans ses choix (oui, Teaching Mrs. Tingle, c'était bien elle!). Elle fait meilleure impression que Jason Clarke, dont le charisme devait venir en option.
Fort d'une filmographie plus qu'enviable qui comprend Undead, Daybreakers et Predestination, les frères Michael et Peter Spierig signent avec Winchester un nouveau cauchemar honorable, pas terriblement épeurant, mais distrayant et intelligent à ses heures. De quoi faire pardonner leur décevant Jigsaw, le seul film qu'ils n'ont pas écrit. Ceci explique sans doute cela.