Pour son premier film musical en carrière, Steven Spielberg ne s'attaque pas à n'importe quoi. Il décide de refaire West Side Story, un des porte-étendards du genre! Contre toute attente, le succès est au rendez-vous.
Il y a 50 ans, West Side Story a secoué le monde du cinéma. Adapté d'une populaire pièce de Broadway, ce Roméo & Juliette à New York opposant deux bandes rivales d'origines ethniques différentes allait remporter dix Oscars, dont celui du meilleur film. Un classique qui marquera au fer blanc son époque, notamment pour la qualité de ses mélodies et de ses chorégraphies.
Un demi-siècle s'est écoulé et la variation que propose le père de E.T. s'avère tout aussi pétillante. Il y a bien eu des changements de lieux et de temporalité, des ajouts et des retraits, mais l'essence y est palpable. Les numéros dansés ne tardent pas à enflammer l'écran. Le rythme est rapide, l'énergie contagieuse, et si le découpage dynamique rend l'ensemble un peu moins spectaculaire, cela permet néanmoins de se distancier d'une certaine artificialité qui demeure tout de même présente. Inoubliable, la musique de Leonard Bernstein et les paroles de Stephen Sondheim font toujours grande impression, donnant seulement le goût de battre la mesure.
Le créateur d'Indiana Jones ne s'est pas contenté de remettre au goût du jour ce classique. Il y avait une raison de refaire West Side Story en 2021. Marquée par les divisions entre clans et le racisme inhérent, son Amérique souffre. Pas surprenant alors qu'il filme dans les décombres et les ruines d'un pays embourgeoisé, incapable de bien loger et protéger sa population. Un leitmotiv qui représente les fondements du long métrage, beaucoup plus sombre et réaliste que le précédent.
Le scénario de Tony Kushner (collaborateur de Spielberg sur Lincoln et Munich, et surtout lauréat d'un prix Pulitzer pour sa version théâtrale de Angels in America) est également plus chargé socialement. Il laisse les individus parler espagnol au lieu de tout ensevelir sous l'anglais ou des sous-titres. Plusieurs informations sont ajoutées afin de donner une profondeur aux motivations et aux actions des personnages. Puis il explique - parfois de façon trop insistante - certains enjeux cruciaux, faisant la morale au passage.
Le moment le plus éloquent provient d'une tirade d'une vieille femme qui cherche à sensibiliser la jeunesse sur ses erreurs. Il est d'autant plus émouvant qu'elle est énoncée par Rita Moreno, qui a remporté l'Oscar de la meilleure actrice de soutien pour le West Side Story original. Le personnage n'est pas le même, mais les mots, la voix et tout son être résonnent, sur ce passage du temps qui ne semble servir à rien puisque les mêmes erreurs semblent inlassablement se répéter.
Les autres comédiens auraient dû s'inspirer davantage de sa performance sentie. Sans être mauvaise, le reste de la distribution se veut plus limitée, car elle ne semble pas toujours vibrer de toute son âme. Au moins, le casting brille par son multiculturalisme. Ansel Elgort (Baby Driver) mise encore sur son visage enfantin, la nouvelle venue Rachel Zegler offre un vent de fraîcheur... sauf que la chimie opère difficilement entre le duo qui laisse, au final, bien peu de frissons. Déjà qu'à leur première rencontre, pendant cette fameuse soirée dansante, le temps ne semble plus s'arrêter comme avant. Le charme s'est amenuisé, remplacé par un baiser terriblement ordinaire...
Sachant très bien qu'il ne pourra jamais rivaliser avec son illustre prédécesseur, cela n'empêche pas Steven Spielberg de livrer une relecture vigoureuse de West Side Story, divertissante et presque aussi magique. Entre hommages et respect, le retour aux sources du matériel théâtral et cinématographique force le respect. Si tous les remakes ressemblaient à cela, la planète cinéma ne s'en porterait que mieux.