Il faudra à nouveau patienter afin d'obtenir une adaptation satisfaisante d'un jeu vidéo. Sans être le Battlefield Earth de son époque comme le laissait présager la rumeur, Warcraft est une énorme déception.
Pas que les attentes étaient élevées. C'est seulement que le cinéaste Duncan Jones n'avait jamais déçu auparavant. Moon était une véritable merveille et Source Code plutôt agréable malgré un scénario alambiqué.
Véritable fan du célèbre jeu vidéo dont le projet cinématographique est en chantier depuis une décennie, le fils du regretté David Bowie s'adresse uniquement aux fans. Jusqu'au point de perdre et de s'aliéner le reste du public. Un sentiment de chaos règne dans une bonne partie du récit où les humains et les orcs se livrent une guerre sans merci. Il y a pas moins d'une douzaine de personnages principaux, plusieurs factions différentes, des quêtes connexes, etc.
Tout ça pour quoi? Rien qu'on ait déjà vu des centaines de fois avec ces chevaliers, ces magiciens et autres nains de service. Des stéréotypes éculés qui sont défendus par des acteurs complètement médusés, dont le peu loquace Travis Fimmel de la série Vikings, Paula Patton qui en avait épaté plus d'un dans Mission: Impossible: Ghost Protocol et Ben Foster en sorte de Jésus psychopathe. Un clin d'oeil religieux parmi tant d'autres. Les morales qui ressortent au tournant sont toutes appuyées, rappelant les vertus de la famille et de l'importance de former un clan uni. Bien sûr que les humains ne sont pas tous gentils et les orcs entièrement méchants...
Ce type de production n'existe pas pour la qualité de son histoire, mais pour son nombre de batailles sanglantes. Il y en a pour les fins et les fous, gavant les plus exigeants, saturant les autres au passage. Les effets spéciaux sont tellement omniprésents et évidents qu'ils finissent par donner le tournis. Surtout lorsqu'on voit le tout en 3D. Le rendu technique est toutefois loin d'équivaloir à celui d'Avatar. Les bêtes sont hideuses, il y a régulièrement des problèmes de dimensions (parfois les orcs sont minuscules et à d'autres endroits énormes) et on a souvent l'impression de se retrouver devant un banal jeu vidéo. Un sentiment qui est sûrement voulu, quoique le film possède une très faible valeur cinématographique. Sa réalisation aurait pu être effectuée par n'importe qui (même l'infâme Uwe Boll pour une fraction du prix) et un montage déficient finit par nuire à l'action.
Étrangement, ce malaise s'évanouit presque au bout d'une heure lorsque le spectateur s'est habitué à cette intrigue sans queue ni tête et à la laideur de la finition esthétique. C'est là qu'un certain plaisir coupable peut ressortir. Quelques scènes de tension sont réellement réussies et le ton grandiloquent à l'ambition et à la prétention dans le tapis fait sourire. C'est comme si c'est à ce moment que l'effort acceptait sa vocation kitch en se vautrant volontairement dans l'autodérision.
Cela ne fait pas de Warcraft une meilleure création pour autant. Seulement quelque chose d'un peu plus digeste. À classer plus près du terrible Dungeons & Dragons et de la douteuse trilogie du Hobbit que du mythique Lord of the Rings qui demeure encore la référence en la matière, cette transposition du populaire jeu vidéo se complaît dans un médium qui n'est pas le bon. Au lieu d'un long métrage éparpillé de deux heures, on aurait dû avoir une série télévisée en 24 épisodes. Peut-être que ce sera le cas de la suite si jamais il y en a une.