J'ai toujours trouvé que Les Bougon, c'est aussi ça la vie! était un show intelligent, une critique sociale virulente qui frappait là où ça faisait mal. Dix ans après la fin de cette série marquante du Québec, Jean-François Mercier et François Avard récidivent avec un film tout aussi vulgaire, déplacé et dérangeant que l'était la série. Nous ne pourrions être plus heureux de retrouver cette famille crapuleuse et licencieuse. Dolorès est toujours prostituée, Junior est encore un escroc redoutable, tout comme son père, et Mononcle s'efforce tant bien que mal de faire entendre raison à sa famille, qui vit de fraudes et d'arnaques.
L'action se déroule cette fois dans le monde politique, alors que Paul Bougon, patriarche de la famille, décide de faire campagne après avoir côtoyé un politicien véreux sur le plateau de La grande messe du dimanche (un délicieux pastiche de Tout le monde en parle). Après une campagne houleuse, Paul Bougon est finalement élu premier ministre du Québec et déménage dans la Capitale-Nationale avec les membres de sa famille, qui occuperont tous un rôle-clé dans son gouvernement (Dolorès est notamment nommée ministre de la Culture).
Là où le bât blesse, c'est notamment au niveau des référents spécifiques liés au monde politique. Il faut avoir une connaissance assez accrue du fonctionnement du gouvernement pour saisir toutes les subtilités - et les gags - de Votez Bougon. Le deuxième degré est l'une des qualités principales des Bougon, mais ce niveau d'humour n'en est pas un accessible à tous. Le public a besoin de référents clairs pour le comprendre adéquatement et il manque peut-être certaines précisions à Votez Bougon pour que l'histoire ait la même portée pour tous.
Cela dit, il y a certaines séquences extrêmement fortes et éloquentes au deuxième niveau. Notons cette scène où Junior Bougon tente de convaincre des musulmans de rejoindre les rangs de son parti en enfilant une djellaba et en déguisant Mononcle en femme voilée. « Avance chienne impure », criera-t-il à son oncle, qui marche tête baissée. Et la chose ira encore plus loin quand les hommes musulmans endosseront le comportement socialement inadmissible de Junior. D'ailleurs, il manque de Junior dans Votez Bougon pour être aussi irrévérencieux qu'espéré. Mais, comme Antoine Bertrand a eu un infarctus durant la période du tournage l'été dernier, des scènes de Junior n'ont pas été tournées, ce pourquoi le personnage est si peu présent à l'écran.
Les gens de la ville de Québec seront certainement dérangés par cette scène où Paul Bougon est installé sur un banc de parc sur un belvédère à côté du Château Frontenac. Cet endroit n'existe pas. Mais bon, seuls les fiers habitants de la Capitale-Nationale seront heurtés par ce montage. Rien pour crier au scandale.
Votez Bougon plaira certainement à ceux qui avaient (comme moi) un plaisir presque malsain à dévorer les épisodes des Bougon, c'est aussi ça la vie! il y a dix ans. Aussi irrévérencieux et sale que l'était la série, le film porte une réflexion intelligente - qui se complait dans son écoeurement - sur le monde politique. « Les Québécois disent qu'ils veulent du changement, mais dans le fond, ils sont bien dans leur marde! », conclura-t-on. Nous n'avions peut-être pas besoin des Bougon pour en venir au même constat, mais il n'y avait qu'eux pour nous l'amener ainsi.