Fort de son Oscar du meilleur scénario original pour Milk, de Gus Van Sant, Dustin Lance Black présente avec Virginia son deuxième long métrage à titre de réalisateur (dix ans après le petit film The Journey of Jared Price). Un long métrage immature et confus, où des dizaines d'idées et pratiquement autant de personnages (avec leurs propres besoins, leurs propres aspirations, leur propre trame, etc.) s'unissent sous une esthétique pourtant intrigante et prometteuse. Mais la cohérence narrative n'atteint pas la cohérence visuelle dans ce long métrage embrouillé.
Black place clairement son film sous le signe du conte, de la fable, - on n'a qu'à penser au générique d'ouverture - de laquelle on pourrait tirer une leçon; peut-être même un symbolisme fort (les personnages portent à un certain moment un masque d'animal). Les personnages ont des caractéristiques se rapprochant d'une parabole (altruiste et pour adultes, mais simpliste) alors que chacun a son contrepoids « moral ». Tout a un contrepoids moral, comme si Black (lui-même élevé dans le mormonisme) tenait absolument à s'y opposer, à provoquer de manière très infantile les « impératifs moraux » d'une éducation trop stricte.
D'autant que si Black essaie de retourner les valeurs de la morale, il le fait par des thématiques vieillottes et dépassées telles que la schizophrénie, la maîtresse en pleine campagne électorale (et le chantage qui vient avec), le cancer des poumons et la foi mormone. Voguant maladroitement à travers tous ces sujets et tous ces personnages (à l'intérêt bien inégal, soyons honnête), se butant parfois sur quelques-uns et ayant de toute façon placé son récit dans un flash-back particulièrement castrant (tout le dernier tiers du film devient entièrement prévisible), le réalisateur débutant rate, comme s'il ne les avait pas vus, les véritables humains de ce récit, ceux qui surpassent théoriquement les personnages de l'allégorie. C'est un problème majeur qui est fatal à Virginia.
Ce personnage central, intangible malgré la prestation dédiée de Jennifer Connelly, n'est donc jamais vraiment engageant, puisqu'on n'arrive pas à circonscrire ce qui le rend unique. Sa maladie mentale, illustrée avec parcimonie, ne semble pas être un grand handicap dans sa vie, en tout cas bien moins que son amour pour un homme marié; qui lui-même agit étrangement (et de façon très immature) en abandonnant sans préavis une femme qu'il « aime » depuis vingt ans. Ces personnages sont si peu palpables, réalistes, vrais, que les émotions qui en découlent ne le sont pas davantage.
C'est fatal, on l'a dit; tous les éléments étant pourtant réunis - ils sont même parfois très aisément perceptibles - pour proposer un drame émouvant, voire bouleversant. Au final, il faut constater que ce n'est pas le cas, et que c'est bien dommage.