* Vu au Festival du Film de Toronto 2017.
Le défi principal de ce genre de production biographique est de développer une histoire pertinente et touchante, sans tomber dans le larmoyant et l'apitoiement. Stephen Frears a relevé le défi avec distinction; son Victoria and Abdul est attendrissant, poignant et déchirant, mais sans jamais être geignard ou « quétaine ». Le cinéaste a choisi de brosser cette histoire de façon assez conventionnelle, sans fla-fla. Chronologique, linéaire, cohérent, son film ne s'égare pas dans des délires visuels ou narratifs exhaustifs et inutiles. Rien ne vient empiéter sur l'importance de cette histoire d'amitié et de confiance mutuelle entre la Reine d'Angleterre et son serviteur, qu'elle élèvera au rang de conseiller spirituel.
L'étoile de ce film est, sans aucun doute, la brillante Judi Dench. La talentueuse actrice est arrivée à transmettre à son personnage une fragilité et une humanité qu'on associe rarement à la froide et sévère Reine Victoria. Dench possède une prestance suffisante pour nous communiquer la puissance et l'influence du personnage sans même ouvrir la bouche. Rappelons que ce n'est pas la première fois que l'actrice interprète l'impératrice des Indes. Dench a d'ailleurs été nommée aux Oscars pour ce rôle marquant dans le film Mrs Brown en 1998. Mentionnons aussi que l'acteur Ali Fazal se démarque sous les traits de ce jeune Indien sans le sou, qui devient le principal confident de la Reine d'Angleterre.
Bien que cette histoire en soit une dramatique à plusieurs égards (la solitude de cette femme trop puissante, l'envie malsaine des membres de sa famille et le traitement réservé à Abdul suite à la mort de la souveraine), Stephen Frears est parvenu à y introduire une part de lumière et d'humour bienvenue à son oeuvre. On rit beaucoup plus que ce à quoi on s'attend initialement dans Victoria and Abdul. Probablement qu'on trouve les situations d'autant plus drôles parce qu'on n'avait pas envisagé autant de dérision de la part d'une oeuvre aussi classique dans son approche.
Sans surprise, la direction artistique est fabuleuse. Les costumes - autant les robes somptueuses de la Reine Victoria, que les habits traditionnels indiens - concèdent un raffinement à la production. Les superbes panoramas et les décors opulents contribueront aussi à l'élégance du drame biographique. Malgré tout cet apparat, le film omet de se pencher sur des questions importantes concernant les différences culturelles et les conflits historiques et politiques de l'époque. Le long métrage se veut léger, et c'est peut-être très bien ainsi.
Les amateurs de récits monarchiques, du genre de The Crown, seront certainement charmés par cette proposition sensible et sincère de Stephen Frears. Les férus d'histoire auront certainement des réticences envers ce portrait trop simpliste, mais pour ceux qui aiment les belles histoires, inspirantes et poignantes : Victoria and Abdul possède le charme que vous recherchez.