Cette satire sur le vice-président des États-Unis Dick Cheney s'avère une oeuvre plutôt nichée, réservée aux amateurs de politique américaine. L'oeuvre dense s'intéresse à une période bien précise de l'histoire du pays, une période charnière où Cheney aurait profité des failles de l'organisation en place pour s'emparer momentanément du pouvoir. Le film brosse un portrait très peu reluisant du vice-président, qui est dépeint comme un manipulateur, un menteur et un opportuniste. Il faut connaître le personnage, avoir entendu parler de ses magouilles à la Maison-Blanche, pour apprécier la production dans toutes ses subtilités.
Mais, il ne faut pas se leurrer, Vice est d'abord et avant tout un film d'acteur. Tout est mis en place afin de mettre de l'avant la performance exceptionnelle de l'acteur Christian Bale, qui personnifie Dick Cheney sur une très longue période de temps. Le comédien a dû prendre 45 livres, se raser la tête et teindre ses sourcils en blond pour livrer une interprétation aussi convaincante du vice-président. Cette métamorphose physique est, certes, épatante, mais jumeler au talent d'acteur de Bale, elle transcende l'écran et nous fait oublier le comédien derrière le personnage. L'Oscar du meilleur acteur dans un premier rôle est sans aucun doute dans la mire de Bale.
Il faut dire que l'enrobage du film fait penser à un documentaire engagé, du genre de ceux de Michael Moore. À certains moments, nous sommes d'ailleurs bien plus dans le faux documentaire que dans la fiction. Les images d'archive, le narrateur, les ellipses, les analogies avec la pêche, tout ça nous laisse croire que nous sommes devant un documentaire, mais ce n'est pas le cas. Vice suggère des idées, mais celles-ci sont loin d'être des certitudes.
On aime l'arrogance et la désinvolture de Vice, autant dans son contenant que dans son contenu. Le drame biographique offre un point de vue peu nuancé, mais cette perspective permet des dérapages contrôlés fort efficaces et délirants. Un bon exemple de cette insolence maîtrisée est ce premier générique qui défile après la première heure et qui laisse entendre que si Dick Cheney avait pris les bonnes décisions, il aurait été un modèle de vertu et de tolérance. Mais, l'histoire ne se termine pas là... Les dernières secondes du film, pendant lesquelles Cheney s'adresse directement à la caméra, frappent fort également.
Adam McKay offre une réalisation originale et culottée qui accompagne à merveille un scénario effronté. Reste qu'on aurait espéré que Vice soit plus drôle, ironique, caricatural, et un peu moins cérébral. Malgré ses idées arrêtées, on ignore ce que le réalisateur a voulu nous faire comprendre avec son film. Dick Cheney n'était pas net, ça, on l'a compris, mais au-delà de ça, le public est laissé à lui-même dans ses interprétations. L'allégorie de McKay ne manque pas de caractère, mais elle aurait eu besoin d'un peu plus de cohérence et de contextualisation.