Quel est le pire film de superhéros des dernières années? Batman v Superman? Fantastic Four? Dark Phoenix? Suicide Squad? Venom apparaît très haut dans cette liste. Ce long métrage, misérable à bien des égards, ne rendait pas justice à l'ennemi juré de Spider-Man. Mais lorsqu'il y a succès au box-office, les suites apparaissent comme par magie.
Malgré un nouveau réalisateur, moins de scénaristes et un vilain différent, Let There Be Carnage est presque aussi consternant que son prédécesseur. La courte durée du récit d'à peine plus que 90 minutes est une excellente nouvelle, surtout à une époque où Zack Snyder vient d'allonger inutilement son Justice League sur quatre heures. Sauf qu'il demeure trop mince et superficiel... tout en étirant les séquences qui ne servent strictement à rien, que ce soit au dépanneur ou dans une fête.
Misant encore et toujours sur la dualité des individus, le script se satisfait d'esquisses imparfaites. Il n'y a plus d'enjeux qui tiennent ou de développement de personnages valables. Ce qui compte, ce sont les scènes d'action plus ou moins trépidantes et une orgie d'effets spéciaux. Pas surprenant d'avoir fait appel à Andy Serkis qui, de Gollum à King Kong, en passant par le capitaine Haddock, César de la Planète des singes et Snoke des récents Star Wars, a tout joué ce qui nécessitait du CGI. Pourtant il n'a jamais rien prouvé comme cinéaste, enchaînant dans l'indifférence Breathe et Mowgli. Jusqu'à cette troisième réalisation qui aurait pu être mise en scène par le plus générique des robots.
Incapable de se brancher entre l'humour puéril et le divertissement sanglant façon Deadpool, l'effort semble constamment se retenir, à l'image du héros qui tient ardemment à contrôler la bête qui sommeille en lui. L'ombre de la série B n'est jamais bien loin et il ne faudrait qu'un mot pour qu'elle explose goulûment. Ce qui n'arrive jamais complètement tant le désir d'être respectable est également présent.
Cela donne alors deux entités distinctes qui se chamaillent, entraînant avec eux tout le talent vers les bas-fonds. Généralement inspiré, le compositeur Marco Beltrami offre des pièces musicales quelconques, hormis une jolie mélodie qui figure bien loin dans le générique. Sur le pilote automatique, Michelle Williams est de retour pour un nouveau chèque de paie, ne s'investissant pas le moins du monde (mais peut-on réellement lui en vouloir?). Woody Harrelson incarne à nouveau une caricature du méchant en offrant le minimum nécessaire avec Carnage, aux côtés d'une Naomie Harris particulièrement mauvaise, elle qui avait fait de si grandes choses sur Moonlight.
Puis il y a Tom Hardy, coscénariste et producteur du film, qui en mène large dans les deux rôles principaux. L'acteur a toujours aimé se retrouver face à lui-même, comme en fait foi le brillant Locke, et il se laisse autant aller en journaliste déchu qu'en symbiote qui a faim de chair humaine, cabotinant à qui mieux mieux. L'idée était tout à fait valable de faire de l'extraterrestre Venom un personnage queer. Encore là, il fallait s'assumer au lieu de seulement suggérer timidement.
Bien qu'il se termine sur une fin ouverte pouvant racheter la déconfiture de Spider-Man 3, Let There Be Carnage est incapable de sauver la licence de l'embarras et de la médiocrité. Il y avait pourtant un moment furtif en dessin animé, un des seuls vraiment réussis de l'ouvrage, qui laissait supposer que sous la forme de l'animation à la Spider-Man: Into the Spider-Verse, le tout aurait pu être complètement différent. On espère bien un jour voir cette version-là.