À une époque où le long métrage d'action se vautre dans la farce (les Fast and Furious et autres John Wick), cela fait du bien de voir une oeuvre « vieille école » comme Silent Night prendre l'affiche. Surtout qu'il marque le grand retour de John Woo.
Le vénérable cinéaste chinois est LE père du film d'action moderne, ayant révolutionné le genre avec ses classiques A Better Tomorrow, The Killer et Bullet in the Head. Son passage à Hollywood n'a toutefois pas eu le même impact (l'exception étant le sublime Face/Off) et il s'est éloigné du cinéma américain après la débâcle de Paycheck en 2003, pour retourner chez lui tourner des fresques historiques.
Avec Silent Night, Woo renoue avec son héros de prédilection : l'être solitaire qui se tient entre l'ombre et la lumière, prêt à défendre la veuve et l'orphelin afin de respecter son code d'honneur. Son amour pour le cinéaste français Jean-Pierre Melville est intacte, et il se ressent chez Brian (Joel Kinnaman), un père qui cherche à venger la mort de son jeune fils, tombé sous les balles pendant une guerre de gangs.
La particularité du récit est de ne comporter aucun dialogue. Tout passe par l'image et le son, ce qui représente la base du septième art. La photographie qui s'attarde longuement aux yeux et au corps meurtri dit tout sur le protagoniste sans voix. Tandis que la puissante musique de Marco Beltrami (A Quiet Place, le remake de 3:10 to Yuma) véhicule ses émotions, tout en développant une ambiance proche du western. Une idée qui vaut son pesant d'or.
Fidèle à ses habitudes, le réalisateur du renversant Hard Boiled en met plein la vue avec ses scènes d'action spectaculaires qui ne lésinent pas sur les ralentis. Non seulement elles sont claires et précises, mais les nombreux plans-séquences plongent le spectateur dans le feu de l'action. Encore là, on est loin de cette mode ultra rapide qui donne le tournis. Un désir de réalisme se fait ressentir de l'exercice de style, rendant la violence plus probante et marquante.
Là où le bât blesse, c'est dans le développement aléatoire du scénario de Robert Archer Lynn. L'intrigue de cette série B rudimentaire à la Taken comporte peu de surprises et elle se révèle ambiguë dans sa façon de célébrer ou de condamner l'auto-justice. Puis il y a toutes ces scènes intimes et ces ellipses qui finissent par plomber le récit, jusqu'à une conclusion ridicule qui fait plus rire que pleurer. Les séquences sentimentales n'ont peut-être jamais été la tasse de thé de son créateur, mais elles viennent bien près ici de faire exploser le film.
Avec son physique et son intensité, Joel Kinnaman (Sympathy for the Devil, The Suicide Squad) s'avère parfait dans le rôle principal. L'acteur suédois s'investit corps et âme pour l'occasion, ayant tourné toutes ses cascades. Malgré les invraisemblances qui l'attendent au tournant, son personnage rappelle celui qu'il défendait dans le sous-estimé remake de RoboCop. Dommage qu'il n'y ait que des êtres unidimensionnels qui gravitent autours de lui, ce qui inclut son épouse, campée par Catalina Sandino Moreno, l'inoubliable Maria, pleine de grâce.
Après Violent Night l'année dernière, Silent Night continue à faire rimer Noël avec la violence, offrant à la fois un concept brillant et une des pires finales du cinéma contemporain. Le film est sauvé de l'anonymat par la virtuosité de John Woo qui, à 77 ans, n'a rien perdu de son savoir-faire formel. S'il y en a un qui mériterait un bon scénario, c'est bien lui.