Le film de vampire est un genre en soi. Il a toutefois rarement été abordé dans le cinéma québécois, mis à part au sein des satires Karmina et du drame La peau blanche. Vampire humaniste cherche suicidaire consentant risque de faire date avec sa proposition particulièrement truculente.
Le premier long métrage d'Ariane Louis-Seize ne manque pas de mordant. Sasha (Sara Montpetit) est un vampire qui est incapable de tuer pour se nourrir, ce qui provoque l'exaspération de sa famille. Elle se lie d'amitié avec Paul (Félix-Antoine Bénard), un adolescent aux idées noires qui propose d'être sa première victime...
À partir d'un récit d'apprentissage classique mais d'une belle finesse (quête identitaire, initiation au monde et alouette), le scénario de Louis-Seize et de sa complice Christine Doyon y intègre le répertoire vampirique. Un mélange de genre qui a fait ses preuves - Charlotte Le Bon avait fait la même chose avec son satisfaisant film de fantômes Falcon Lake - et qui se voit gratifié de scènes hilarantes. Cela débute en trombe avec une introduction baignée d'humour noir et les bonnes idées se succèdent au tournant, même si elles s'avèrent, au final, un peu trop sages. Un peu plus et on se croirait devant un long métrage de Stéphane Lafleur (qui s'est occupé du montage) tant les dialogues et les situations absurdes abondent.
Cet esprit comique est bercé par une mélancolie certaine, une solitude inhérente à l'adolescence que l'on retrouve dans les meilleures oeuvres de vampires du XXIe siècle : Let the Right One In, Only Lovers Left Alive et A Girl Walks Home Alone at Night. Ce climat vient quelque peu brimer le rythme en place, qui prend son temps pour laisser émaner de la profondeur, de l'étrangeté et de la poésie.
Il y a même quelques pointes de romance qui planent, bien que l'on ne se retrouve jamais devant un Twilight. Le duo en place est crédible, attendrissant et décalé, amenant un surplus de chaleur humaine à l'ouvrage. Sara Montpetit confirme tous les espoirs fondés en elle depuis Maria Chapdelaine, tandis que Félix-Antoine Bénard étonne constamment. Ils dominent une distribution étincelante où les Steve Laplante, Sophie Cadieux et Marie Brassard ont tous leur heure de gloire.
Le reste appartient à Ariane Louis-Seize, qui fait beaucoup avec peu, utilisant astucieusement le hors-champ. Les codes des productions de vampires sont saupoudrés avec intelligence et les clins d'oeil abondent. Notons une utilisation probante de la lumière et des ombres (un peu plus d'expressionnisme allemand n'aurait pas fait de tort), ainsi qu'une trame sonore délectable qui explore divers registres et époques.
Récompensé à la Mostra de Venise (prix de la Meilleure réalisation de la section Giornate degli Autori), Vampire humaniste cherche suicidaire consentant est un plaisir tout à fait ludique et charmant, apportant du sang neuf à un genre qui s'est toujours un peu brisé les dents au Québec.