Même s'il couvre de nombreux sujets qui sont en plus extrêmement variés, Une petite zone de turbulence conserve une certaine cohérence, en ce sens qu'il est respectueux de ses personnages et qu'il demeure humain dans son traitement, porté par la bonne foi supposée des intervenants et leurs bonnes intentions. Il n'est pas audacieux pour autant, remarquez, puisqu'il demeure honteusement consensuel dans le choix de ces sujets (homosexualité, infidélité, mariage de sa fille, cancer), ce qui l'empêche d'être vraiment palpitant. Mais, au moins, le réalisateur Alfred Lot a le souci du travail bien fait.
Nouvellement retraité, Jean-Paul s'applique à construire une petite cabane dans son jardin pour avoir un peu de tranquillité. C'est qu'il n'est pas très enchanté à l'idée que sa fille, Cathie, mère d'un jeune garçon, se marie une seconde fois avec un imbécile. Et il digère toujours assez mal l'homosexualité de son fils. Il ne sait trop quoi penser de la relation adultère qu'entretient sa femme avec un ancien collègue de travail. Et il y a ce cancer - malgré ce qu'en dit son médecin - qui grandit sur lui et qui lui cause bien des soucis.
Les petits soucis du quotidien, même s'ils sont par définition anodins, peuvent faire de bons sujets de cinéma. Parce que les gens qui regardent les films ont, eux aussi, des petits soucis du quotidien (il n'est pas encore clair si on va au cinéma pour les voir ou pour les oublier). Mais il faut quand même proposer quelque chose d'un peu inédit, et les problèmes qui affligent la famille de Jean-Paul sont tous affreusement communs. On ne leur reproche pas d'être normaux, on dit seulement qu'ils n'ont rien de personnages de cinéma, sinon leur sens de la répartie bien affuté qui démontre effectivement le talent des scénaristes et leur fine observation de leurs semblables. Ils sont tellement normaux.
D'autant qu'Une petite zone de turbulences n'est jamais franchement drôle, même s'il a quelques petites trouvailles assez amusantes. Des gags, des réactions, quelques trucs de montage qui font sourire, mais sans plus. Le problème, c'est qu'on ne pleure pas vraiment non plus, et qu'on demeure assez indifférent à tous ces soubresauts de la vie quotidienne. Et il y a une raison à cela : on sait bien qu'il ne s'agit pas du genre de film qui va nous étonner. Il n'y a qu'une seule fin envisageable, et c'est celle du conte de fées, où tout s'arrange, où tout le monde est heureux. On le devine assez vite d'ailleurs.
Peut-être que les gens normaux, lorsqu'ils vont au cinéma, apprécient que leurs héros réalisent des choses qu'ils ne peuvent pas faire dans leur petite vie normale. Cela expliquerait certaines choses. Mais cela semble assez farfelu de penser que les gens s'engouffrent vraiment dans une salle pour prendre des notes et ensuite appliquer à leur vie l'exemple de personnages fictifs (on ne saurait le recommander d'ailleurs). Cela diminue déjà de beaucoup l'intérêt d'un film comme Une petite zone de turbulences, même si les acteurs, le réalisateur et tous les autres aspects techniques sont compétents. Car ils le sont - mais au fond, on s'en fout.