Il n'y a probablement rien de plus émouvant au cinéma que de découvrir une nouvelle voix tenter de trouver sa propre voie en réalisant son premier long métrage. C'est le cas de Geneviève Dulude-De Celles qui enchante allègrement avec Une colonie.
Après un court métrage remarqué (La coupe) et un documentaire plus que prometteur (Bienvenue à F.L.), la cinéaste québécoise continuer d'explorer ce délicat passage de l'enfance à l'adolescence. Il s'exprime cette fois chez Mylia (Émilie Bierre), 12 ans, qui vient de commencer l'école secondaire, délaissant quelque peu sa jeune soeur (Irlande Côté) pour se faire des amies et, qui sait, un amoureux.
Les récits d'initiation sont nombreux. Surtout ceux qui se déroulent dans le microcosme scolaire. Ils sont pourtant rares à être aussi authentiques que cette modeste production. Malgré ses airs connus (quête identitaire, relations avec le groupe, découverte des dangers extérieurs), le récit réveillera des souvenirs douloureux à quiconque a déjà eu cet âge ingrat. Tout sonne juste, que ce soit les réflexions de l'héroïne, ses doutes et ce sentiment de joie et d'effroi qui déferle à la même enseigne.
Afin d'exprimer ces émotions complexes, cela aide d'avoir une actrice aussi épatante qu'Émilie Bierre. La petite fille de l'époustouflant Catimini a bien grandi et elle affiche une force tranquille étonnante. Tout semble facile chez elle, ce qui est tout à son honneur. Même son de cloche chez la rafraîchissante Irlande Côté et les autres jeunes comédiens, professionnels ou pas. Un réel travail de répétitions a été effectué en amont et ça ne peut que solidifier le résultat en place. Dans des rôles pivots, mais périphériques, Noémie Godin-Vigneau et Robin Aubert arrivent à faire vivre les parents avec très peu d'apparitions à l'écran.
Voilà justement le brio de Geneviève Dulude-De Celles. La réalisatrice n'a souvent besoin que d'un seul plan pour faire exister ses personnages. La caméra est constamment à la bonne place, patiente et attentive, afin de capter ce souffle d'espoir et de possibilités, parfois avec poésie, toujours avec tendresse et sensibilité. La nature enveloppe et souffle doucement, utilisant la lumière pour distiller la beauté. Pendant ce temps, le bruit latent gronde en sourdine, rugissant lors d'une danse salvatrice sur le classique Love Will Tear Us Apart de Joy Division.
Ces pulsions de vie ne dissimulent toutefois pas complètement un scénario quelque peu naïf (ce qui n'est pas un défaut en soi), aux métaphores parfois trop évidentes et aux dialogues empotés à ses heures. Cela se fait surtout ressentir lors des cours d'histoire, plus didactiques. Le titre ne renvoie pas seulement à cette cellule familiale et au désir - ou pas - de se joindre à la société, mais également au colonialisme ambiant. Un lien qui devient encore plus évident lorsque la protagoniste devient amie avec un camarade de classe autochtone : un thème qui aurait pu être traité avec encore plus d'acuité.
Ces quelques maladresses sont toutefois normales dans un premier long métrage, parsemé d'immenses promesses pour la suite des choses. Contrairement à son héroïne qui cherche sans cesse sa place dans le monde, Geneviève Dulude-De Celles a définitivement trouvé la sienne.