Deux films bien différents semblent constamment en lutte dans Une belle course, une oeuvre qui fait le plein d'émotions et de sentiments.
Il y a d'abord celui qui se déroule dans le présent et qui met en scène un chauffeur de taxi (Dany Boon) qui accepte de conduire une vieille femme (Line Renaud). Les acteurs se sont déjà côtoyés dans Bienvenue chez les Ch'tis et leur complicité est indéniable. L'illustre chanteuse trouve en rôle en or et elle forme un duo attachant avec Dany Boon. Ce dernier surprend dans la peau d'un homme de peu de mots, désabusé et renfermé. En laissant ses traditionnelles mimiques au vestiaire, le populaire comédien embrasse une mélancolie qui fait un bien fou.
Ils déambulent dans le Paris d'aujourd'hui, rappelant comment la ville a changé et pas nécessairement pour le mieux. Déjà, le ton est lancé. Il sera appuyé et peu subtil. Périodiquement, le long métrage fait des sauts dans le temps, explorant la jeunesse de sa cliente. Tout y passe, que ce soit la guerre, son grand amour, sa passion pour le théâtre, la venue d'un enfant, une relation tumultueuse avec un homme, etc.
Encore là, il y a une dichotomie entre ce qu'on veut montrer et la manière de le faire. Dans le premier cas, le parcours d'une femme qui a traversé son époque, se libérant des diktats des années 50 pour transformer les décennies suivantes. Un modèle qui se veut inspirant. Sauf que la démonstration cinématographique, elle, déçoit amèrement par sa lourdeur et son ton mélodramatique, ses situations manichéennes et ses personnages superficiels.
Cela aboutit à une conclusion prévisible, moralisatrice et manipulatrice, qui cherche tellement à soutirer les larmes qu'elle en devient malhonnête. Pourtant, les intentions sont louables et même vertueuses. Il faut profiter de la vie avant qu'il ne soit trop tard. Le rôle des souvenirs est essentiel dans la construction identitaire d'une personne ou d'un lieu. Tout comme la nécessité de transmettre aux jeunes générations de passer le flambeau pour rappeler les combats d'hier.
Peut-être fallait-il une mise en scène plus consciencieuse pour tirer profit de cette riche matière et d'éviter ses nombreux écueils. Chrisitan Carion (qui a eu son heure de gloire avec Joyeux Noël) n'est pas le dernier venu, sauf qu'il n'a rien fait de très concluant depuis L'affaire Farewell en 2009. La première demi-heure de son nouveau récit promet avec son dynamisme et son élégante musique jazzée qui lorgne parfois du côté du compositeur Bernard Herrmann. Mais dès que les ellipses se multiplient, la réalisation devient fonctionnelle et purement illustrative.
Autant Une belle course se laisse regarder avec un certain plaisir quand le tandem Dany Boon et Line Renaud apparaît à l'écran, autant il finit par lasser lors de ses incessants retours dans le temps. En voulant deux films pour le prix d'un, le résultat s'apparente au syndrome du Dr. Jekyll et de M. Hyde ou à ces mythiques monstres à deux têtes qui finissent par s'autodévorer.