Amuser en faisant réfléchir. Tel est le mantra des réalisateurs de l'immense succès Intouchables, qui sont de retour avec Une année difficile, une nouvelle comédie à saveur sociale mettant en vedette un duo.
Albert (Pio Marmaï) et Bruno (Jonathan Cohen) ont des dettes et profitent du système pour éviter de boire la tasse. Opportunistes, ils décident d'intégrer un mouvement de jeunes militants écolos dirigé par Cactus (Noémie Merlant), se faisant maintenant appeler Poussin et Lexo. Peut-être qu'en embrassant leur cause, ils pourront redonner foi en leur existence.
Le film débute par une introduction à deux temps qui pique immédiatement la curiosité. Les discours de présidents français se succèdent à l'écran en rappelant que la présente année a été difficile. Puis, il y a une opération d'activistes qui se prépare afin de paralyser un Black Friday dans un magasin.
Le ton est donné. On se retrouve devant une charge contre le capitalisme ambiant, qui endette les gens en les rendant vulnérables (on pense au Thanksgiving d'Eli Roth, en moins sanglant). L'environnement s'en va dans le mur et la jeune génération cherche à renverser la balance. Bien que le drame social ne soit pas particulièrement subtil, il évite d'être moralisateur puisque le scénario se moque de tout et de n'importe quoi. Cela le rend d'ailleurs ambigu tant il demeure inabouti.
Cet humour s'avère malheureusement trop inégal pour convaincre réellement. Les gags brillants et désolants se succèdent au tournant, s'avérant souvent redondants. L'amalgame ne prend qu'avec parcimonie, et c'est lorsqu'il verse dans le conte naïf et romantique (la fin avec la musique de Jacques Brel est tout simplement savoureuse) que l'ensemble se veut le plus attendrissant.
Cela aurait sans doute pu être évité en recourant à un meilleur duo. La chimie entre Pio Marmaï (Porthos dans la nouvelle adaptation des Trois mousquetaires) et Jonathan Cohen (qui incarnait Graindemaïs dans Astérix et Obélix : L'empire du milieu) laisse parfois à désirer. Le premier est souvent hilarant avec ses facéties et son charisme, alors que le second laisse de glace en jouant sans cesse de la même façon, en se sentant parfois plus sur scène que dans un film.
Le reste de la distribution est suffisamment solide pour oublier ce désagrément. Noémie Merlant (Portrait de la jeune fille en feu) procure une fraîcheur certaine à son personnage, et quelle surprise de revoir Grégoire Leprince-Ringuet - qui a beaucoup tourné avec Robert Guédiguian et Christophe Honoré - dans un rôle de jaloux pathétique! C'est sans compter sur la présence de Mathieu Amalric, inoubliable en guide qui prodigue des conseils économes aux héros... tout en tentant d'aller chaque soir jouer au casino!
La mise en scène en demi-teinte des cinéastes Éric Toledano et Olivier Nakache est particulièrement alerte lorsque les militants préparent un nouveau coup. Le rythme s'active, la tension monte et la musique se veut accrocheuse. Le reste du temps, la réalisation demeure beaucoup plus conventionnelle et anonyme.
Tel un monstre à deux têtes, Une année difficile tente d'être drôle et sérieux à la fois, social et ludique, d'auteur et grand public, n'y arrivant qu'à moitié. Le long métrage s'inscrit dans une filmographie cohérente (qui, outre Intouchables, comprend notamment Hors normes, Le sens de la fête et Samba) qui met à l'avant-plan l'engagement et le divertissement. Celui qui est gentil et, malheureusement, trop souvent oubliable.