Un sac de billes est un « autre » film sur la Seconde Guerre mondiale. S'il a son importance, ce n'est pas nécessairement pour ses qualités cinématographiques.
Le célèbre livre de Joseph Joffo qui a été vendu à des millions d'exemplaires a déjà été adapté - brillamment - par Jacques Doillon en 1975. Christian Duguay, le spécialiste des longs métrages à costumes, a décidé d'opter pour une transposition plus ouverte, accessible et populaire. Un sentiment noble qui n'est pas toujours à la hauteur de cette déchirante histoire vraie.
Le matériel est pourtant immense au sein de cette saga sur deux jeunes enfants (Dorian Le Clech, Batyste Fleurial) qui tentent de retrouver leurs parents (Patrick Bruel, Elsa Zylberstein) dans une France qui croule de nazis et de collaborateurs. Les deux gamins sont excellents, Patrick Bruel est particulièrement touchant dans un rôle aux antipodes de celui qu'il tenait dans Un secret de Claude Miller, le cinéaste et coscénariste québécois a resserré l'intrigue sur la relation père/fils (sa marque de commerce) et la reconstitution d'époque s'avère admirable.
C'est justement là que le bât blesse. Cette vision de la Deuxième Guerre mondiale est parfois trop soignée visuellement, rendant l'horreur presque belle esthétiquement. L'élégance du traitement passe par une luminosité qui semble d'ailleurs un peu plaquée. Roberto Benigni était parvenu à faire le grand écart de la comédie à la tragédie dans son magnifique La vie est belle qui lui ressemblait beaucoup. Ce n'est pas toujours évident avec cette version d'Un sac de billes qui manque régulièrement de souffle, paraissant trop schématisée et pas assez incarnée. Comme une peinture à numéros, la mise en scène demeure appliquée sans la moindre prise de risques formelle.
Au contraire, la mécanique est réglée au quart de tour pour rejoindre le plus large public possible sans rendre de compte à l'art. Kev Adams est là pour intéresser les jeunes, Christian Clavier pour réconforter les cinéphiles plus âgés et le dosage incertain de l'émotion - mélodies appuyées à la clé - rend les scènes tristes trop larmoyantes. On aime pleurer devant un film, pas se sentir manipulé.
Le long métrage possède néanmoins ses vertus qui vont au-delà du cinéma. C'est ce qu'on appelle le devoir de mémoire face à cette période de l'oubli qui s'installe lentement mais sûrement. Il faut absolument se rappeler cet horrible événement qui a fait ressortir le meilleur et surtout le pire de l'être humain. Surtout que l'Histoire tend à se répéter, avec ces crises économiques semblables, la montée de la droite partout dans le monde, la dérive du fascisme, etc. Le lien est d'autant plus criant alors qu'on note les similitudes sur le plan du racisme, de la xénophobie, des migrants persécutés...
Il s'agit donc d'un sujet à parler, encore et toujours, dans les écoles. Et un film est un excellent moyen d'y parvenir. Après, est-ce que la version didactique et extrêmement conventionnelle de 2017 d'Un sac de billes est le meilleur moyen de sensibiliser les gens alors qu'il y a eu tant de chefs-d'oeuvre cinématographiques comme Au revoir les enfants de Louis Malle et Le fils de Saul de Laszlo Nemes? Cela reste à voir.