Dans The Pale Blue Eye, le cinéaste américain Scott Cooper (Out of the Furnace, Hostiles) fait de nouveau équipe avec Christian Bale pour s'immiscer par la bande dans l'univers et l'esthétisme d'Edgar Allan Poe.
Adaptation du roman du même nom de Louis Bayard paru il y a une quinzaine d'années, nous suivons ici l'enquête menée par Augustus Landor (Bale), recruté par les dirigeants d'une académie militaire de l'État de New York pour élucider le meurtre sordide de l'un de leurs cadets, durant la première moitié du XIXe siècle.
L'affaire se déployant dans un microcosme abondant en faux-semblants et en secrets bien gardés, Landor recrute un jeune Edgar Allan Poe (Harry Melling) pour l'assister discrètement dans son travail, et tenter d'obtenir des pistes de réponses auprès des confrères cadets de ce dernier.
Malgré la nature des crimes commis, The Pale Blue Eye baigne davantage dans une ambiance mélancolique que de tension et de morbidité. Cooper fait d'ailleurs preuve de patience et de méticulosité derrière la caméra afin de constamment imprégner son public de cette morosité.
Et il parvient généralement à ses fins par l'entremise de détails simples, mais réfléchis, misant notamment sur la froideur et la beauté de ses paysages enneigés et de ses décors gothiques. Et lorsque ses images gagnent en chaleur, elles révèlent parallèlement un côté plus inquiétant à travers leurs éclairages tamisés.
L'essence du film repose d'ailleurs énormément sur ce genre de contrastes.
Cooper a d'autant plus eu la chance d'assembler une excellente distribution pour l'appuyer devant les caméras. Celle-ci est évidemment menée par Bale et Melling, qui forment un duo dont les compétence, les sensibilités et les manières s'opposent pour mieux se compléter. Leur connivence est tout aussi bien soutenue par les brèves, mais solides, apparitions d'acteurs chevronnés tels Gillian Anderson, Robert Duvall, Charlotte Gainsbourg, Toby Jones et Timothy Spall.
Formellement, le scénario est rondement écrit, les dialogues bien tournés, et l'atmosphère parfaitement soutenue. Peut-être un peu trop, même. Car ultimement, The Pale Blue Eye mène vers un premier climax dont les morceaux auraient dû être replacés d'une manière beaucoup plus subtile, ne faisant finalement que confirmer les soupçons que nous avions depuis le début.
Une résolution qui, sur le coup, vient avec un sentiment d'amère déception étant donné l'étonnante simplicité de cette conclusion, faisant soudainement passer tout le reste pour un superbe emballage, mais rien de plus.
Ceci étant dit, au moment de ladite résolution, le film affiche encore plus de vingt-cinq minutes au compteur. Et c'est à ce moment que Cooper dévoile l'habile subterfuge de son scénario, entre confrontation et confession, mais toujours dans le même ton posé.
Le tout donne certainement un second souffle à l'effort, conférant un nouveau raisonnement et une autre justification à plusieurs des scènes et choix scénaristiques ayant précédé, en particulier en ce qui a trait à la construction et aux motivations du personnage principal.
En fait, The Pale Blue Eye est l'oeuvre d'un cinéaste des plus compétents sur le plan dramatique, mais qui a encore plusieurs croûtes à manger pour ce qui est d'élaborer un bon récit d'enquête en sachant cacher un tant soit peu son jeu.
Chacune des forces du film tend à mettre en lumière une faiblesse, principalement sur le plan de l'intrigue, alors que l'oeuvre paraît parfois contrainte par son propre hermétisme. D'autant plus que The Pale Blue Eye ne fait pas non plus dans la concision, et ce, plus souvent qu'autrement pour accentuer un effet plutôt qu'approfondir une idée.
Malgré tout, The Pale Blue Eye mérite le coup d'oeil ne serait-ce que pour ses qualités les plus notables. Car Cooper et son casting de haut niveau livrent la marchandise à bien des égards. Le problème, c'est que le tout est malheureusement exécuté au détriment d'autres facettes qui auraient eu besoin d'autant d'amour et d'attention.