Le cinéma de Susanne Bier a cette impudeur de s'immiscer sans complexe au centre du noyau familial pour en explorer les rapports de force; une exploration qui est ici transposée à la vie en société, au travers des thématiques aussi simples et aussi balisées que la vengeance et l'intimidation. Mais que ce soit à l'école, au parc ou dans un camp africain, entre adultes ou entre enfants, la vengeance a ses zones d'ombres et ses inclinaisons morales qui en font un sujet intéressant. Or, dans le cas d'In a Better World, ces complexités éthiques sont tellement appuyées, tellement « sociales », qu'on croirait parfois à une campagne publicitaire financée par le gouvernement plutôt qu'à une oeuvre de cinéma. Mélodrame assumé d'accord, mais exercice philosophique à demi-réussi.
Pas que les aspects techniques ne soient pas à la hauteur, bien au contraire : la direction photo lumineuse de Morten Søborg est sublime, quasi-féérique et influence véritablement l'impact émotif du film. De la même manière, l'interprétation assurée des comédiens - surtout les deux jeunes garçons - apporte crédibilité et véracité au récit. En premier lieu, on observe, on compare, on soupèse les tenants et aboutissants de ce récit en attente d'une finale humaine et humble.
Mikael Persbrandt, dans le rôle central d'Anton, a l'envergure nécessaire pour que les sublimes scènes l'opposant à un gros malotru sans cervelle aient l'impact souhaité : tomber dans le piège de la brute (répliquer), c'est devenir une brute, même si Anton a apparemment les capacités physiques pour lui tenir tête. « Je suis venu pour montrer à ces enfants que je n'ai pas peur de vous », dit-il, dans une scène puissante et dérangeante dans un garage; une puissance qu'on ne retrouve malheureusement pas ailleurs dans In a Better World.
Surtout pas, d'ailleurs, dans un camp de réfugiés en Afrique alors qu'Anton va y soigner les victimes d'un tyran local, qui aura lui aussi besoin de soins. Si ces scènes sont dramatiquement assez fortes en elles-mêmes, elles s'intègrent mal à la trame narrative du film, créant d'obscures parallèles auxquels on a de la difficulté à adhérer : quel est le lien entre un tyran africain sanguinaire et un petit tyran scolaire? Veut-on illustrer que certaines vengeances sont justifiées, mais d'autres non? Comme si le Bien et le Mal étaient déjà définis par les spectateurs plutôt que par la proposition du récit, avec l'habituelle inclinaison pour les « héros »...
D'autant que le film, qui se termine comme prévu sur un crescendo dramatique (complètement artificiel d'ailleurs), refuse d'assumer la non-finalité de la vie et préfère conclure tous ses récits. On s'affranchit donc de ses péchés et on évite le drame de justesse. Le processus est lourd, mais ouf! on est tellement soulagé quand à la fin du film, on apprend que ** ***** ** *'** *****! De bons sentiments, des réconciliations, des péchés rachetés; tout va bien, finalement, In a Better World...