********** Un héros sera disponible dès le vendredi 21 janvier sur Amazon Prime Video. *************
Depuis que son remarquable Une séparation l'a révélé sur la scène internationale, Asghar Farhadi est devenu l'un des plus importants cinéastes contemporains, cumulant les distinctions majeures et même deux Oscars. Après un détour discutable en Espagne par l'entremise de l'oubliable Everybody Knows qui mettait en vedette Penélope Cruz et Javier Bardem, son retour en Iran avec Un héros (Grand prix du dernier Festival de Cannes) s'avère plus que salutaire.
Qu'est-ce que l'héroïsme? C'est à cette épineuse question que tente de répondre ce long métrage complexe. Emprisonné pour une dette impayée, mais en liberté l'espace de quelques jours, Rahim (Amir Jadidi) est confronté à un dilemme moral lorsque sa route croise celle d'un sac plein d'or. Devrait-il rembourser son créancier ou rendre le contenu à son propriétaire? Il opte pour le second choix, devenant une vedette instantanée. Sauf que la gloire est éphémère et la situation finit par se retourner contre lui.
Rien n'est simple dans les oeuvres d'Asghar Farhadi. Malgré leurs intentions louables, les personnages n'obtiennent jamais ce qu'ils désirent. Les stricts rouages administratifs de la société s'apparentent à des dédales infinis, rarement au service des individus. Si en plus on ajoute à cela des considérations de sexe, de religion et de classes sociales... À l'instar de son trop peu vu La fête du feu, un mensonge qui se devait salutaire n'obtient par les effets escomptés, bien au contraire. Une bonne action est rapidement vue avec cynisme et méfiance, surtout à l'ère des médias sociaux.
L'être humain étant une entité compliquée, ce qui est vrai un jour devient faux le lendemain et vice-versa. La question de point de vue prime, tout comme celle d'ambiguïté, de ce regard gris sur ce qui nous entoure. Ainsi on peut agir par conviction, avec honneur, tout en pensant à son intérêt pécuniaire. Pas surprenant alors de retrouver un protagoniste qui passe son temps à sourire, exploitant à fond le charisme naturel de l'excellent Amir Jadidi. Joue-t-il un jeu ou est-il sincère? Un peu des deux, sans doute.
Une manipulation s'organise et celle de Farhadi s'effectue en sourdine. Comme dans Le client, sa démonstration n'est pas la plus subtile, passant même près d'être misanthrope. Surtout que quelques invraisemblances finissent par gâcher un peu la sauce. Et à l'image du Passé, son symbolisme demeure un peu accaparant et insistant, montrant notamment souvent son héros derrière des grilles et clôtures pour signifier son emprisonnement mental.
Sauf que le créateur d'À propos d'Elly n'a rien perdu de son savoir-faire et il excelle narrativement et esthétiquement à assembler ses récits labyrinthiques, dévoilant au compte-goutte ses éléments, retenant des informations cruciales pour plus tard. Le thriller qui se forme, prenant à bien des égards avec ses incessants rebondissements et coups de théâtre, en rivera plus d'un à l'écran tout en suscitant colère et indignation.
Exploitant à fond ce qu'il fait de mieux sans nécessairement se renouveler, Asghar Farhadi propose avec Un héros une nouvelle plongée universelle et essentielle dans la condition humaine, où rien n'est véritablement ce qui semble être. Profond et haletant, l'opus ébranle les certitudes, rappelant que les contradictions mènent le monde.