Sans doute le film québécois le plus profond de la présente saison estivale, Un été comme ça de Denis Côté explore un sujet sensible et délicat sans se défiler ou faire la morale. Un véritable exploit!
Notre septième art a rarement abordé les fantasmes et la sexualité féminine, si ce n'est dans le marquant Les salopes ou le sucre naturel de la peau de Renée Beaulieu. D'une approche moins frontale et déstabilisante (quoique...), Un été comme ça s'intéresse au quotidien de trois femmes qui sont invitées pendant 26 jours dans une maison de repos pour discuter de leur sexualité.
La sexualité n'est pas utilisée ici à des fins érotiques ou à l'esthétisation du corps féminin. Au contraire, elle n'est qu'un prétexte pour plonger dans le gouffre émotionnel de ses héroïnes afin de palper leur intimité. Ces personnages entiers et parfois ambigus ne sont jamais jugés par leur entourage. C'est plutôt un miroir qui est tendu à la société, dont les valeurs évolueront au même titre que leurs préjugés. Il n'y a pas de place pour les tabous tant les blessures d'hier et les désirs d'aujourd'hui sont là pour modeler les identités.
S'il ne lésine pas sur des scènes révélatrices qui ne se veulent heureusement jamais graphiques ou osées, ce drame de chambre minimaliste qui évoque parfois ceux d'Ingmar Bergman embrasse goulûment le verbe. Les dialogues sont omniprésents et ce flux verbal ne sera pas pour tous les appétits, s'apparentant parfois à de la branlette intellectuelle. Ces mots permettent toutefois d'accéder au passé et aux démons de ces êtres, laissant triompher l'imagination au lieu que l'image dicte le pas.
Cela donne quelques séquences cauchemardesques et d'autres bouleversantes, la plus inoubliable étant celle où Larissa Corriveau parle d'une expérience avec plusieurs hommes. La muse du réalisateur depuis Répertoire des villes disparues et Hygiène sociale offre une composition éblouissante de retenue. Son jeu s'agence parfaitement à celui plus physique de la danseuse Aude Mathieu et celui plus exigeant de la comédienne française Laure Giappiconi. Un trio étincelant qui porte le film sur ses épaules. Elles sont solidement soutenues par l'insaisissable Anne Ratte Polle et le dévoué Samir Guesmi.
Privilégiant les plans rapprochés, Denis Côté agit comme un anthropologue de la psyché humaine, forgeant un véritable cinéma de l'intime. Ses magnifiques plans qui s'étirent parfois font figure de respiration, offrant la liberté et l'émancipation requises à ses sujets. Bien que l'ensemble traîne un peu en longueur (à 137 minutes, le cinéaste n'a jamais rien réalisé d'aussi long), cette durée est souvent idéale afin de bien saisir l'âme de ces femmes.
Troquant le divertissement inhérent à cette période de l'année pour quelque chose de beaucoup plus riche, nuancé et nécessaire, Un été comme ça ne peut que séduire et même éblouir par sa maîtrise scénaristique et formelle, multipliant les moments forts dont cette séance de danse sur Across 110th Street de Bobby Womack. Dans la tranche des essais narratifs de son auteur, il s'agit sans doute de sa meilleure proposition cinématographique depuis Vic + Flo ont vu un ours et même Curling.