Roger Cantin, qui a marqué l'imaginaire de toute une génération d'enfants avec Matusalem, se consacre ici à un projet un peu plus mature - mais pas beaucoup - qui aborde des enjeux sociaux contemporains. Lesquels, cela reste à déterminer. Cela dit, rien n'émerge hors du lieu commun (djembe inclus), dans cette histoire honnête qui force maladroitement les sentiments au fond de la gorge du spectateur qui n'a plus qu'à s'ennuyer.
Norbert, ancien révolutionnaire devenu travailleur humanitaire en Afrique, est de retour au Canada suite à l'éclatement d'une guerre civile près de son lieu de travail. Souhaitant être déporté vers sa terre d'accueil, Norbert envisage d'embarquer illégalement sur un cargo en partance. Mais un jeune garçon délinquant du quartier, Christophe, le harcèle pour trouver à son petit singe capucin un endroit digne où habiter. Norbert accepte d'aller reconduire Christophe chez sa mère près de Québec en allant attraper son bateau, qui est parti sans lui, et reconduire son singe au zoo.
Pierre Lebeau, un comédien très particulier, se tire plus souvent qu'autrement mal d'affaire avec ce personnage plutôt commun. Son allure atypique, sa voix et sa formation d'acteur chevronné l'empêchent d'être, tout simplement, ce Norbert, ancien révolutionnaire qui a habité l'Afrique pendant 20 ans. Il est plutôt le personnage principal d'Un cargo pour l'Afrique, le nouveau film de Roger Cantin, produit par Rock Demers. Le jeune comédien Julien Adam, très peu crédible, ne s'avère pas non plus très efficace avec l'émotion factice qu'on lui impose. Il faut aussi dire que la plupart des dialogues, affreusement éloignés de la réalité, annulent tous les efforts de naturel des comédiens. Les comédiens secondaires... n'en parlons pas.
Il faut absolument jeter le blâme sur le scénario, chancelant, presque indécemment chanceux, qui définit très mal ses personnages. Du pire mélodrame imaginable (Norbert s'occupait d'un orphelinat en Afrique, pouvez-vous le croire? Êtes-vous triste?) au pire cabotinage imaginable (pauvre, pauvre Lucien!), le bon déroulement du film semble forcé, plié à la volonté d'un scénario prêt à faire tous les sacrifices en invoquant « la magie du cinéma » ou « le gars des vues ». Et ça, c'est toujours, toujours, toujours une erreur. Toujours. Quelques répliques sont bien trouvées, certes, et on a cru voir un peu d'émotion passer en arrière-plan, mais on ne s'y consacre jamais, préférant émettre l'hypothèse que les Noires ont des belles fesses.
Quand la chance entre finalement en ligne de compte (ils ont évidemment volé la seule moto qui avait fait le plein d'essence), l'intrigue devient soudainement trop éloignée du spectateur et l'accablant dénouement ne vient rien régler. Un festival de musique africaine sur une plage dans le Bas-St-Laurent? Le gars des vues lui-même n'y croit pas.
Un cargo pour l'Afrique n'est cependant pas à rejeter en bloc; l'ensemble, excepté quelques accrocs susmentionnés, n'est pas exempt de qualité, elles sont cependant assez ardues à trouver, gâchées par un pléïade de bons sentiments forcés. Oh! La réalisation est potable et Lebeau et Adam ont effectivement quelques jolis moments, assez dispersés, dans leur aventure, mais à force d'ajouter à la valeur émotive du drame (le petit bum qui scratch des autos a un malheur intérieur qui explique tout), le spectateur est gavé, repu, et pas d'émotion.
Et puis une question (bien naïve) pour terminer : comment il va faire, le « pauv' petit gars », quand il va aller voir les responsables du Zoo de Granby (publicité subtile ici) : « ouais ben, un de vos petits singes là, il est à moi. » C'est ça qu'on aurait voulu voir.