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Ça balance fort à l'usine!
Ce film espagnol a été le dernier triomphe à la cérémonie des Goyas espagnols où il a reçu pas moins de six prix. Et on peut dire que si « El buen patron » n’est pas à proprement parler un chef-d’œuvre, il les mérite. De prime abord, ce long-métrage semble quelque peu difficile à appréhender et à apprivoiser. On ne sait pas trop si l’on est dans une comédie ou un drame ou même, parfois, presque un suspense. Les spectateurs que nous sommes aimons à ranger bêtement les films dans des cases, à être en terrain connu ou savoir à quoi se raccrocher alors qu’il est si bon de se laisser aller. Il faut donc ne pas se poser de questions et se laisser conter cette œuvre à forte connotation sociale sur le monde impitoyable du travail et sur les travers de la nature humaine, ici celle d’un patron en apparence bien sous tous rapports, d’où le titre à double sens, qui n’est finalement pas l’homme si irréprochable que l’on croit.
En effet, Blanco semble être un bon patron. En tout cas, il fait tout pour. Mais lorsqu’il attend une visite d’une commission pour obtenir un prix d’excellence et des subventions et que plusieurs grains de sable viennent se mettre en travers de son chemin, il va petit à petit perdre son sang-froid, sa gentillesse et ses valeurs. Pourtant, en temps normal, on peut dire que c’est un excellent dirigeant. La force de « El buen patron » est donc d’être toujours dans le gris et d’éviter tout manichéisme. Ce personnage joué par un Javier Bardem méconnaissable est écrit avec beaucoup de soin. Cela en fait un personnage humain au possible et très réaliste. Ni adorable, ni détestable, juste un homme avec ses forces et ses faiblesses, ses qualités et ses défauts. Ce n’est à la base pas un salaud mais il peut le devenir si on le pousse dans ses retranchements. L’acteur offre une incarnation royale de cet homme, bourré de nuances. Il n’en fait pas trop mais n’hésite pas de s’essayer à quelques propositions de jeu à chaque fois étincelantes. Une grande composition pour l’acteur espagnol. Et tout le film est de cet acabit. Notamment dans l’écriture d’un scénario très fin et millimétré dont la tension monte crescendo jusqu’à une dernière partie féroce et méchante. On retiendra notamment la séquence au montage alterné sous les airs du ballet de Roméo et Juliette où tout part en vrille de manière tragique et un peu drôle à la fois. Les dialogues et les situations sont extrêmement plausibles et écrites de manière ciselée pour poser un constat imparable sur le monde du travail et faire de « El buen patron » une critique acerbe de ce monde de plus en plus violent psychologiquement. Le film est peut-être découpé inutilement en chapitres quotidiens qui le ralentissent et font ressortir inutilement son découpage en chapitres. Il est également trop généreux en durée, il y a des longueurs parfois qui font qu’on trouve le temps long à une ou deux reprises. Mais cela reste du grand cinéma et on apprécie toutes les références à la précision en rapport avec l’entreprise où se déroule l’action (une entreprise de fabrication de balances de précision). Original, inattendu et intelligent, c’est du cinéma sérieux qui distrait son spectateur tout en se montrant contemporain et critique envers son époque.
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