Frédéric Dumont ne s'en cache pas, cette histoire tragique est inspirée de sa propre vie. Voilà qui permet de poser un regard différent sur son film, Un ange à la mer, lorsqu'on est confronté à sa difficile expérience. Or voilà. Ce film essaie de partager une douleur qu'on devine aisément, qu'on comprend, même, par un amalgame d'éléments artificiels et de symboles simplistes qui en réduisent l'impact, même si on aborde de front une maladie rarement traitée avec autant de sérieux au cinéma.
Le petit Louis, 12 ans, vit dans un village du Maroc avec son frère Quentin, sa mère et son père. Un jour, ce dernier l'invite dans son bureau pour lui confier son intention de se suicider le soir même. À partir de ce moment-là, pour ses parents et à l'école, Louis ne sera plus jamais le même, forcé de surveiller son père dans l'angoisse qu'il commette le geste fatal.
Le récit, brillamment amorcé dans la simplicité, alors que tous les sens sont encore en éveil, ne s'avère pas efficace jusqu'à la fin, et on perd, en chemin, bien des qualités. Dès que le père quitte la maison pour aller « au travail », on s'en désintéresse. Les infidélités de la mère, et d'autres péripéties (comme un long spectacle raté) éloignent les émotions l'une de l'autre. Certains accrocs plus spécifiques nuisent aussi : le bégaiement intermittent du personnage (s'il est peut-être « réel ») n'est pas très crédible, et Maman ne semble pas très bien comprendre ce qui se passe, malgré l'intérêt qu'elle porte à sa famille.
La musique tapisse presque entièrement le long métrage et on en vient à ne plus s'en laisser bercer et à regretter son omniprésence, qui force les émotions plutôt que de les laisser s'installer. D'ailleurs, en y réfléchissant, on réalise que les émotions ne manquent pas, dans Un ange à la mer, et qu'elles sont certainement aussi nombreuses que les bonnes intentions. Il est cependant très ardu de les saisir et de s'en imprégner tellement à chaque scène efficace on superpose un moment incongru où on essaie de noyer un chat dans l'euphorie et où on en écrase d'autres dans les rues. Ces scènes, vaguement mécaniques, viennent désamorcer l'impact que commençait à avoir ce petit comédien talentueux qui défend avec conviction le petit Louis. Olivier Gourmet, qui lui donne une réplique extrêmement ardue, se tire bien d'affaire même s'il n'est pas toujours juste. Anne Consigny, prisonnière d'un personnage peu crédible, n'accomplit rien de très convaincant.
Le film a tout de même plusieurs aspects méritoires : le regard sans concession et flagornerie porté sur l'enfance et une cinématographique fascinante qui utilise la lumière comme un ressort cinématographique (cela devrait toujours être le cas). Cependant, ses métaphores maladroites et son déroulement parfois difficilement justifié ne lui permettent pas de maintenir un niveau suffisant d'émotivité non-rationnelle. On peut comprendre la douleur de l'enfant, mais on ne la partage qu'à travers la compréhension intellectuelle qu'on en a, et le corps ne rejoint pas l'esprit dans sa tristesse et sa solitude. Ce phénomène s'explique simplement : le corps se protège lui-même, et, confronté à ces quelques maladresses susmentionnées, à une sorte de pitié, se braque, et refuse de se laisser piéger. Les meilleurs films parviennent à contourner ce système de sécurité réflexif, mais cela demeure très rare.