John Requa et Glenn Ficarra, les réalisateurs de I Love You, Phillip Morris, récidivent avec un film qui est conçu exactement de la même manière : une comédie dramatique plutôt portée sur l'aspect dramatique, un humour intelligent présent, mais pas à tout prix, et une histoire d'amour compliquée, même très compliquée. Il y a autant d'amour, d'amoureux, d'amoureuses, de couples, de liens familiaux que dans une saison complète de Beverly Hills 90201, mais c'est heureusement beaucoup mieux construit et mené. Pour notre grand bonheur également, on semble vouloir proposer autre chose que la guimauve réconfortante habituelle, dans ce qui semble être un respect pour l'humain et dans ce qu'on appelle l'ellipse, le temps, la patience. La maturité, en quelque sorte.
Car l'histoire de Cal et d'Emily, mariés depuis 25 ans et sur le point de divorcer, n'est pas la plus innovatrice. Pas plus d'ailleurs que celle du séducteur invétéré qui change à la rencontre de l'amour. Pas vraiment non plus celle de ce préadolescent qui tombe amoureux d'une fille plus vieille qui elle, s'intéresse à un homme plus vieux. Mais leur amalgame, aussi improbable que cela puisse paraître, trouve le moyen de se distinguer à travers cette galerie de personnages bien définis et surtout bien interprétés.
D'autant que cette mise en place d'éléments et de personnages culmine avec une finale particulièrement réussie, où la surprise rencontre l'empathie de rigueur d'un film grand public. Le concept de Crazy, Stupid, Love n'est pas de rendre les gens malheureux (litote pour dire « happy end »), mais il s'acquitte de cette obligation avec respect pour ses personnages et pour le spectateur. Cela ne rend le film que plus attachant. Même le sacro-saint discours moralisateur de la fin est, quand même, assez pas mal (litote #2).
Crazy, Stupid, Love n'est pas assez drôle, voilà qui est entendu. Mais ses quelques belles trouvailles - dont le fascinant personnage de Jacob, incarné par un Ryan Gosling fort efficace - mêlées à son penchant dramatique subtil et bien dosé donnent un résultat probant. Grâce aux interprètes, à commencer par un Steve Carell confiant et complice avec tout le monde; Emma Stone, délicieuse Emma Stone, et le jeune Jonah Bobo, parfaitement adolescent. Il n'y a que Julianne Moore qui semble un peu à la traîne, puisque son personnage est moins central au récit.
On retient surtout les quelques bonnes répliques du scénario de Dan Fogelman et les bons moments des relations amoureuses de cette galerie de séduisants personnages que les invraisemblances (Jacob a-t-il un travail? Où trouve-t-il tout cet argent?). Pourquoi? Parce qu'on traite les personnages autant que les spectateurs avec respect. Mais peut-être aussi parce que dans la vie, quand tout va mal, on préfère se rappeler des bons moments. Ou alors on devrait.