Après Juno et Young Adult, Tully s'inscrit parfaitement dans la filmographie de la scénariste Diablo Cody. Après avoir dépeint l'adolescence et les préambules de la vie d'adulte, Cody dessine la maternité avec honnêteté, respect et intransigeance. Tully n'est pas ce qu'on pourrait appeler un « feel-good movie », au contraire, il porte un message fort sur l'importance du rôle d'une mère dans le développement d'un enfant, mais il dévoile également les revers amers de la maternité et les épreuves titanesques que doivent surmonter les femmes pour arriver à tenir le coup. Une chose qui est bien loin d'être toujours rose.
Bien qu'il se dégage beaucoup d'espoir et d'amour de Tully, le drame reste profondément sombre (tant littéralement que métaphoriquement). Alors que des films sont faits pour nous faire oublier nos tracas du quotidien ou nous envelopper d'une douce frénésie, Tully a été écrit pour nous ramener les deux pieds sur terre. On garde de ce film une amertume dont on a du mal à se défaire à la sortie du cinéma, de retour dans nos vies normales. Est-ce ce sentiment - un mélange de mélancolie et de lassitude - qu'on a voulu nous inculquer, peut-être pour nous faire ressentir la détresse de la protagoniste? Si tel est le cas, l'objectif est atteint. Cela dit, on aime quand le cinéma nous fait vivre des émotions, belles ou laides.
Charlize Theron, qui se transforme à presque chacune de ses apparitions au grand écran, livre ici une grande performance. Le vide que ressent la protagoniste est détectable dans son regard amorphe et dans son corps, déformé par les grossesses. On a envie d'aller la prendre dans nos bras pour la réconforter. Son désarroi est tel qu'il nous hypnotise et finit par nous contaminer. Mackenzie Davis s'avère aussi particulièrement exceptionnelle sous les traits de la nounou de nuit, engagée par la mère épuisée pour surveiller son bébé quand elle s'assoupit. Impétueuse, décomplexée et généreuse, elle est la bouée de sauvetage dont toutes les mères rêvent. On aime aussi que le mari de l'héroïne ne soit pas exagérément négligent et insensible. Il s'absente pour son travail et manque parfois d'empathie, mais il se donne pour ses enfants aussitôt qu'il en a l'occasion, comme bien des pères.
Et, lorsqu'on ne s'y attendait plus, Tully surprend et renforce son message. Le réalisateur Jason Reitman, qui n'en est pas à son premier rodéo, arrive à jouer si bien ses cartes que le spectateur est éberlué par la finale.
À la fois doux et acrimonieux, Tully ne cherche à protéger personne. Le drame montre la réalité avec tout ce qu'elle contient d'échecs, de pertes de contrôle, de crises, d'erreurs, de chutes et d'idées noires.