La complexité des relations humaines sert souvent de soubassement au cinéma. C'est le premier ingrédient d'une histoire d'amour, la base d'un drame policier ou l'assise d'un thriller politique; les Hommes sont une source inépuisable d'étonnement. Et c'est tant mieux. Trois mondes, de Catherine Corsini, raconte donc l'histoire des conséquences d'un accident (ou d'un crime?). Il y a des détails, des circonstances, mais au fond, les questions sont simples : peut-on acheter la rédemption? La punition expie-t-elle la faute?
Le récit de Trois mondes propose un véritable dilemme moral, que la réalisatrice sait exploiter avec talent. Tout y est très maîtrisé, du scénario, habile et sans surdramatisation (tout est déjà là), aux acteurs, dont l'interprétation toute en subtilité donne encore plus de profondeur aux questionnements soulevés par le long métrage, qui vont de l'idée de justice à celle de vengeance et de remords. L'humanité de Trois mondes, et sans doute le talent de sa réalisatrice, en font un film qui va au-delà de l'anecdote.
Car le défi d'un film comme celui-ci, c'est de proposer une situation assez spécifique pour que les personnages mis en scènes touchent le spectateur, le rejoignent, et que ce dernier s'inquiète pour eux, en plus de créer une situation assez générique pour que le même spectateur puisse appliquer les événements, les questionnements moraux, à d'autres aspects de la vie, préférablement la sienne. Lorsque ce difficile exercice est réussi, on a droit à un film intéressant sur deux niveaux.
C'est le cas de Trois mondes. Car même si son récit est bâti sur quelques clichés un peu moins inspirés - la mise en place du récit s'appuie sur des bases connues (accident de voiture, travailleurs sans papier, mariage imminent) - la conclusion, heureusement, est spécifiquement humaine (faudrait-il dire occidentale?) : on veut racheter ($) l'erreur qu'on sait qu'on commise pour laquelle on est repentant, mais pas jusqu'à hypothéquer son futur. Drôle d'objet que l'humain...
Les comédiens sont crédibles grâce à une économie de moyens généralisée. Raphaël Personnaz, Clotilde Hesme et Arta Dobroshi nous paraissent vrais, alors que la réalisatrice évite habilement de polariser les émotions du public vers un « bon » et un « méchant ». Tout le monde a des circonstances atténuantes...
Au final, Trois mondes est un film qui, à défaut d'être particulièrement créatif ou inédit, s'applique à bien faire ce qu'il fait, c'est-à-dire proposer une situation moralement ambiguë qui ne se limite pas au contexte du film seul. On se questionne, on observe, on réfléchit. Et, comme dans tout bon film de ce genre, on n'arrive pas à émettre de jugement final...