All the Money in the World passera à l'histoire pour être le fameux film où Ridley Scott a décidé d'effacer complètement la prestation de Kevin Spacey, mêlé dans différents scandales d'ordre sexuel. À moins d'un mois de la sortie du long métrage au cinéma, le réalisateur a fait appel au vétéran Christopher Plummer qui a retourné toutes ses scènes. Un exploit de taille pour un personnage aussi capital à l'histoire.
Ce serait pourtant mentir d'affirmer que ce changement ne se fait pas ressentir. L'acteur apparaît souvent seul à l'écran et lorsqu'il est au sein d'une foule, dans un endroit exotique par exemple, les effets spéciaux sautent aux yeux. Quelque chose sonne terriblement faux. Ce malaise finit toutefois par rajouter une épaisseur grotesque à cet être riche et avare qui ne dépensera pas une seule cenne pour secourir son petit-fils qui vient de se faire enlever. Ce Scrooge à peine déguisé - belle ironie alors que le comédien vient tout juste de l'incarner dans The Man Who Invented Christmas - est le plus bel élément du récit, grognant et rouspétant pour rien, offrant un rôle en or au grand Plummer.
Ce n'est cependant pas son personnage qui mène la danse. Il s'agit plutôt de celui de Michelle Williams qui fera l'impossible pour retrouver son enfant. Cette femme qui est régulièrement montrée au sein d'immenses pièces vides pour symboliser sa solitude aurait toutefois mérité une autre interprète. Williams est excellente lorsqu'elle est bien dirigée (par Kelly Reichardt dans le sublime Certain Women, par exemple). Ici, elle a beaucoup de difficulté à rendre crédible son désarroi. À ses côtés se trouve un Mark Wahlberg démuni en ancien agent de la CIA. Chacun semble jouer dans son propre film, ce qui donne une cohésion d'ensemble pour le moins biscornue. C'est principalement le cas de Romain Duris qui en fait beaucoup trop en ravisseur au grand coeur.
Sans doute a-t-il été choisi pour son prénom parce que cette histoire vraie se déroule à Rome au début des années 70. À priori celle de la nuit, de la tentation et de la prostitution (la première scène est très fellinienne), puis celle de l'opulence, du crime et de la corruption qui renvoie directement à Paolo Sorrentino. Malgré ses 80 ans, Ridley Scott n'a rien perdu de son savoir-faire technique, tentant de créer une épopée à la Martin Scorsese ou Oliver Stone en changeant constamment de lieux et d'années, en mélangeant les textures colorées au noir et blanc, et en mettant du vert partout: la couleur de l'argent.
Il s'agite toutefois en vain. Si ses efforts sont plus louables que sur son récent Alien: Covenant, recourir au scénario de David Scarpa pour transposer ce livre à succès a été une erreur. Celui qui a massacré The Day the Earth Stood Still avec son remake exagère tellement le propos que le suspense devient vite inopérant, remplacé par une satire sur le cauchemar des 1 % de ce monde. All the Money in the World se transforme alors en comédie, peut-être la plus drôle de l'année, mais qui est trop souvent involontaire. Pourtant il y a de nombreux dialogues à l'emporte-pièce, une mémorable séquence avec une oreille et une finale complètement invraisemblable. Contre toutes attentes, le divertissement fonctionne à plein régime et c'est lui qui fait hurler de rires devant les répliques du vieux radin, aussi subtiles qu'une tonne de briques.
On s'amuse comme on peut et c'est déjà beaucoup pour une oeuvre maudite qui a été complètement chamboulée à la dernière minute par les affres de la vie.