C'est lorsqu'on considère l'extravagance, l'inventivité et le caractère visionnaire de Guy Laliberté que Toucher le ciel nous apparaît le plus fade. Parce que dans les faits, le documentaire d'Adrian Wills n'est pas foncièrement mauvais; on en apprend davantage sur la vie d'astronautes (même si la plupart des témoignages sont recyclés et que les détails de leur entraînement ont été rapportés à de nombreuses reprises dans quelque autre reportage sur la découverte de l'espace) et sur ces gens que les Russes admettent dans leur vaisseau pour quelques millions introduits dans leur programme spatial. Mais ces touristes de l'espace, ces nantis inexpérimentés qui accompagnent les cosmonautes sur la Station spatiale internationale représentent un sujet si pertinent et soulèvent tant de questionnements (si un homme de cirque a pu, en quatre mois et demi, apprendre les rudiments du métier d'astronaute, pourquoi certains s'entraînent-ils des dizaines d'années avant d'avoir une place sur une fusée? Juste une question d'argent?) que l'effleurer comme Wills l'a fait n'était pas suffisant. Le cinéaste a décidé de brosser un portrait flatteur d'un homme, un père de famille puissant qui accomplit son rêve d'enfant de voir la Terre du ciel; un point de vue très simple pour un sujet aussi fertile...
Même le projet fantasque de Guy Laliberté d'écrire un poème qui serait lu à différents endroits sur la planète alors qu'il l'observerait de l'espace, n'est que mollement survolé par le réalisateur. La cause sociale du milliardaire - celle de la protection de l'eau - est pourtant fort noble et il aurait été assez aisé de composer une fable, une allégorie visuelle, capable de transmettre le message de manière moins conventionnelle que par le traditionnel « lorsqu'on voit la planète d'en haut, on comprend toute sa fragilité et l'urgence de la sauver » que tous les astronautes déblatèrent à leur retour sur Terre. Avec Toucher le ciel, on a choisi la voie de la facilité, on a choisi de présenter un homme proche de sa famille, un homme qui fait des sacrifices pour atteindre ses buts, un homme que l'on voudrait que les spectateurs prennent en exemple. Ce n'est pas répréhensible en soi, mais le fait que l'on a intentionnellement loupé la chance d'étudier le sujet de l'exploration spatiale d'une manière inattendue et nouvelle - après tout, il y a moins de dix civils qui ont eu la chance de visiter l'espace - ne peut que nous frapper et, successivement, nous dépiter.
Les images, bien que magnifiques - une vue céleste de la Terre est toujours impressionnante -, sont elles aussi assez formalistes. Il n'y a rien dans les photographies (même si quelques-unes peuvent être considérées comme des oeuvres d'art) ou des les vidéos-maison de l'entrepreneur québécois qui surprennent ou nous dévoilent des éléments que nous n'avions jamais eu la chance de voir auparavant. La caméra de Wills abonde dans le même sens. Elle reste, la plupart du temps, dans une perspective objective, témoin. Elle ne prend pas position tant au niveau politique que technique, se contentant de présenter les bons côtés d'un ancien accordéoniste cracheur de feu.
Toucher le ciel rappelle trop souvent un épisode de Découvertes ou un énième reportage sur la NASA pour se différencier suffisamment dans le paysage cinématographique actuel. Il sera probablement un événement lorsqu'il sera présenté en exclusivité un dimanche soir sur les ondes de TVA, mais pour l'instant, le documentaire en est un anodin et inoffensif dans les salles du Québec.
Le fait que l'on a intentionnellement loupé la chance d'étudier le sujet de l'exploration spatiale d'une manière inattendue et nouvelle - après tout, il y a moins de dix civils qui ont eu la chance de visiter l'espace - ne peut que nous frapper et, successivement, nous dépiter.
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