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Survival social
On ne pourra pas reprocher aux frères Dardenne la cohérence de leur filmographie. Depuis plus de vingt ans ils offrent au cinéma mondial et sous bannière belge (enfin wallonne pour être encore plus précis) leurs œuvres profondément sociales et contestataires, un peu comme Ken Loach le fait avec son style à lui pour le cinéma britannique. Avec des acteurs connus comme dans le magnifique « Le gamin au vélo » qui voyait Cécile de France s’essayer au cinéma de la fratrie belge la plus connue (et doublement récipiendaire de la Palme d’or, ce qui est très rare) ou encore Marion Cotillard avec le tout aussi intense et réussi « Deux jours, une nuit ». Deux films qui font partie des meilleurs d’une filmographie qui tend un peu à se répéter et devenir moins probante depuis quelques années (« La fille inconnue », « Le jeune Ahmed », ...).
Sans tête d’affiche connue, avec des acteurs non professionnels comme dans leurs premiers films, le duo signe avec « Tori et Lokita » une œuvre certes encore mineure mais bien plus réussie et belle que leurs précédents films. Ici, toujours dans la même veine sociale et humaniste, ils s’attaquant au problème des migrants sans-papiers. Des enfants de surcroit, qui ont tissé une amitié si forte qu’ils se font passer pour frère et sœur. Et que dire de ces deux jeunes acteurs débutants qui les incarnent à part qu’ils sont incroyables, attachants et très doués. Et qu’ils sont pour beaucoup dans la réussite du long-métrage. Cependant, et c’est le revers de la médaille, ils sont si touchants et mignons que cela fausse un peu le constat établi ici. En effet, les Dardenne nous offrent une vision déformée du problème, en plus d’être un peu prosélyte, tout autant qu’idyllique de ces jeunes migrants. Une sorte de chantage à l’émotion pour rameuter le spectateur à la cause, mais de manière un peu gênante car forcée.
Et sur le fond, il y a toujours aussi un certain manichéisme qui pointe le bout de son nez, écarté de justesse. Tout comme un dolorisme propre à leur cinéma et qui en fait la patte. Ceci mis de côté, « Tori et Lokita » est une plongée dans un monde que l’on ne voit pas, fait de petits combines et d’espoir pour survivre dans la jungle sociétale qui est la nôtre. Une sorte de survival social en somme. Le film est rythmé, prenant et la justesse de la relation de ces deux-là est si belle que l’effroyable dénouement nous tord le ventre. Un film nécessaire qui pointe du doigt un problème grave et le met là où ça fait mal mais qui ne lésine pas sur les moyens parfois un peu forts. Il n’empêche, la démonstration est radicale et puissante et le film plutôt réussi. On se souviendra longtemps de ces deux gamins et de leurs épreuves et de ce cinéma unique mais important.
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