Que ressemblerait une semaine de cinéma sans un nouveau biopic? De JT LeRoy à Stockholm, en passant par Never Look Away, On the Basis of Sex et Stan & Ollie (notamment), 2019 est déjà bien garni en la matière. Mais, mis à part l'excellent Song of Granite et le sublime Leto, aucun ne passera à la postérité. Et ce ne sera certainement pas le cas de Tolkien. On risque toutefois d'en voir encore davantage, surtout depuis le triomphe de Bohemian Rhapsody aux Oscars.
Vouloir consacrer un long métrage au créateur de Lord of the Rings est légitime. Voilà un homme qui a changé la face de la littérature fantastique à jamais, alors que son classique a été immortalisé dans le mythique triptyque de Peter Jackson.
Il suffisait de développer un scénario digne de ce nom et de s'éloigner un peu du résumé de Wikipédia. En effet, cette oeuvre calibrée au possible reprend toutes les conventions du récit d'initiation, de l'enfance peu clémente à la rencontre de véritables amis, en passant par une romance pas toujours évidente, une obsession qui le rendra célèbre et une guerre qui viendra tout fragiliser.
Ce qui en ressort n'est pas désagréable, seulement un peu trop ennuyant et quelconque. Comme ces vieux et didactiques manuels scolaires qui regorgent de poussière. Évidemment, chaque occasion est bonne pour créer des liens entre les oeuvres fantaisistes de son auteur et ce qu'il vit (l'effet Edmond). Une mécanique qui a tôt fait de devenir lourde et prévisible.
Il faut pratiquement attendre jusqu'à la toute fin, lorsque les affres de la Première Guerre mondiale se débarrassent enfin de ses ellipses envahissantes, pour que le vrai récit voie le jour. Celui d'une jeunesse traumatisée par cette violence, que symbolise brillamment le romancier dans ses écrits. C'est là que visuellement le film prend son envol, laissant béat avec quelques spectaculaires plans aériens.
C'est malheureusement trop peu et trop tard. Alors que l'ouvrage insiste sur les notions «d'imagination» et de «langage', le résultat final en est pratiquement dépourvu. Le rendu est lisse, esthétiquement louable quoique très oubliable. Pourquoi avoir fait appel au talentueux cinéaste finlandais Dome Karukoski (dont le précédent biopic, Tom of Finland, méritait le détour) si c'est pour lui enlever presque toute liberté artistique? Puisque l'ensemble rondement mené aurait pratiquement pu être réalisé par n'importe qui.
Plus à l'aise dans les rôles secondaires que lorsqu'il doit tenir la vedette, Nicholas Hoult (Beast chez les derniers X-Men) fait son possible, s'avouant rapidement vaincu devant la grandeur des chaussures à chausser. Ce n'était sans doute pas l'acteur idéal pour transmettre l'émotion ou la passion romantique; son couple avec Lily Collins créant ultimement peu de frissons, si ce n'est pendant une ou deux scènes sous l'influence de Terrence Malick et de Richard Wagner.
Manquant à la fois de magie et de souffle épique, Tolkien n'est tout simplement pas à la hauteur de son sujet. Ce qui devait être complexe et inspirant ne ressemble finalement qu'à un divertissement comme les autres, ni pire ni meilleur.