L'histoire d'amour entre Thor et Taika Waititi continue avec Love and Thunder, une superproduction qui aspire à être autre chose qu'un «autre» film de superhéros.
Le cinéaste de Jojo Rabbit avait dynamité Ragnarok, la troisième aventure du Dieu tonnerre, jusqu'au point d'en faire l'un des Marvel les plus satisfaisants du lot. Le voici reprendre du service avec ce quatrième tome où Thor et ses amis se mesurent à un vil individu (Christian Bale) qui mange - et détruit - des dieux au petit-déjeuner.
Épisode presque indépendant de la populaire saga cinématographique et télévisuelle de Marvel, ce 29e long métrage de la franchise ne semble pas particulièrement intéressé à développer une histoire digne de ce nom. Il y a notre héros qui n'évolue jamais, un méchant qui ressemble beaucoup aux précédents, une histoire d'amour ultra kitch avec une ancienne amoureuse malade (Natalie Portman), des acolytes qui ne servent à rien, etc.
Au contraire, le réalisateur que l'on a découvert il y a 15 ans avec le si sympathique Eagle vs Shark plonge dans cet univers devenu clichés au fil des années pour s'amuser comme un gamin de dix ans. L'intérêt n'est pas tant l'intrigue que ses possibilités. Ces scènes de transition qui ne servent généralement à rien et qui s'avèrent ici plus pertinentes que le reste. Là où la plupart des récits misent sur l'action et les effets spéciaux, Waititi semble s'en détourner pour privilégier l'impact de ces séquences. Pas tant les chorégraphies attendues que l'apport de la musique - Guns N'Roses, Dio, Abba et même Enya - et son esthétisme particulier. L'influence est encore aux années 80, à cette saturation des teintes et des couleurs qui permet à l'ensemble de sortir légèrement du lot.
L'humour mène encore une fois le bal et étrangement, il ne fonctionne qu'à moitié. La personnalité de Thor n'est jamais poussée très loin et c'est évidemment le charisme de Chris Hemsworth qui fait toute la différence. La présence des Gardiens de la Galaxie n'a pas l'impact prévu, tout comme les duos qui tombent souvent à plat avec la Valkyrie de Tessa Thompson et l'ami extra-terrestre campé par le metteur en scène lui-même. Au moins, il reste Natalie Portman qui fait un retour par la grande porte, amenant les meilleurs moments de cette franchise qui ne semble pas toujours savoir où elle va. Aussi intense qu'accoutumé, Christian Bale souffre d'un personnage bidimensionnel et mal développé.
C'est lorsqu'il s'échappe des conventions et qu'il embrasse sa propre folie que le film étonne et détonne. Il le fait périodiquement, au détour d'un rythme particulièrement laborieux même si l'ensemble est plus court que les autres productions du genre (à peine deux heures). Mais lorsque c'est le cas, cela donne une fulgurance irrésistible. Comment résister à ces chèvres géantes aux sons si désagréables? Impossible! C'est le cas également de ce détour complètement cinglé auprès de Zeus qui permet à Russell Crowe d'offrir une performance délectable. Il faut le voir pour le croire.
Ce sont ces instants absurdes et transgressifs que l'on aurait voulu plus nombreux qui permettent à Thor: Love and Thunder d'être autre chose qu'une simple production anonyme de superhéros. Même s'il fait tout son possible avec la latitude qu'on lui permet, Taika Waititi paraît moins inspiré que sur Ragnarok et cela finit invariablement par se faire ressentir à l'écran. Une usure du temps qui est sans doute normale, même dans les meilleures mains.