L'Amérique en prend pour son rhume dans The Wall, un film de guerre tendu et plutôt satisfaisant, qui se trouve aux antipodes idéologiques de la propagande démagogique d'American Sniper et autres Lone Survivor.
Cela ne paraît pourtant pas de prime abord. Un sniper irakien prend la mesure de soldats états-uniens, tenant en joue un sergent (Aaron Taylor-Johnson) caché derrière un mur en ruine. Malgré tout son bon vouloir et ses tactiques pour désamorcer l'adversaire, le chaos aura le dernier mot. Il faudra faire avec les éléments : le soleil qui tape, les bourrasques de sable, l'eau qui vient à manquer, la radio brisée et de sévères lacunes scénaristiques où notre héros multiplie les comportements les plus improbables.
Mais qui est ce protagoniste, autrement qu'il est interprété par le potable Aaron Taylor-Johnson, sur une lancée intéressante depuis le bluffant Nocturnal Animals? Un Américain dit moyen qui est montré comme borné, égocentrique et qui n'a peut-être pas d'affaire sur ce terrain dangereux. Une figure plus symbolique que réelle qui ne mérite pas nécessairement qu'on le prenne en pitié.
Sa guerre intime (surtout qu'il s'agit d'un huis clos), intérieure mais tangible, ne s'effectue pas avec un ennemi visible. On ne ressort pas la leçon de tolérance comme dans le solide No Man's Land de Danis Tanovic, ce «diabolique» long métrage qui a remporté l'Oscar du meilleur film en langue étrangère devant Le fabuleux destin d'Amélie Poulain. Il s'agit plutôt d'une abstraction, un fantôme sniper dissimulé doté d'une voix menaçante qui est capable de communiquer avec son Némésis. Sans être nouveau (pensons à Phone Booth, Buried et Die Hard 3), le procédé demeure terriblement efficace. Surtout qu'une tension permanente ancrée dans la monotonie se développe lorsque l'action tombe au neutre, c'est-à-dire presque du début à la fin de ce court film de 80 minutes.
The Wall s'apparente davantage à une oeuvre d'épouvante qu'à un drame de guerre typique. Tout peut arriver à chaque instant et ce méchant évoque une énième variation du croque-mitaine de Scream. Celui qui manipule et qui trucide sans pitié. Ce mélange de genre a peu été fait (une des rares exceptions étant l'étonnant Ni le ciel ni la terre de Clément Cogitore) et il aurait pu être poussé encore davantage. Trop souvent, l'histoire expose ses ficelles superficielles, noyant ses métaphores manichéennes en citant allègrement Shakespeare et Edgar Allen Poe. Alors que l'ouvrage s'en allait vers une conclusion pépère et édifiante, un retournement de dernière seconde - encore plus jouissif que la finale du Split de Shyamalan - remet les pendules à l'heure. Un humour corrosif qui rappelle que le fameux mythe de Sisyphe n'est jamais bien loin.
Film de survie encore plus angoissant que le dernier épisode d'Alien qui se déroulerait dans la conclusion de Full Metal Jacket, The Wall maintient l'intérêt malgré un sujet casse-gueule et pas toujours évident à représenter à l'écran. Tout n'y est pas toujours subtil ou abouti, sauf qu'il y a une réelle tentative de prendre le taureau par les cornes et d'offrir autre chose en se mettant en danger. Après tant de grosses productions formatées, cela fait du bien de voir le cinéaste Doug Liman retourner à des essais à faible budget qui lui permettent liberté et créativité.