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Beautiful strange fruit.
Les biopics musicaux sont presque devenus un sous-genre du septième art, très courants et surtout de plus en plus balisés. Ils nous offrent de manière récurrente des retours dans le passé sur des artistes musiciens ou chanteurs, plus ou moins célèbres et reconnus. Et ces longs-métrages se positionnent également souvent comme des prétendants (ou plutôt des machines) à récompenses. A tort ou à raison. Le nouveau film de Lee Daniels, révélé avec « Precious » et confirmé avec « Le Majordome », ne déroge pas à la règle. Il a malheureusement subi les aléas des mesures sanitaires et a été sacrifié au moment de sa sortie entre deux réouvertures timides. C’est bien dommage car c’est un biopic qui a bien plus à offrir que la moyenne du genre. En nous narrant l’histoire de Billie Holiday durant une bonne décennie, de ses premiers gros succès à sa mort, le réalisateur nous conte également en filigrane une partie de l’historique du racisme qui faisant encore rage au milieu du XXème siècle au pays de l’Oncle Sam.
En effet, « Billie Holiday, une affaire d’état » met en parallèle, la prétendue lutte contre la drogue du FBI dans les années 40 et 50 avec le racisme systémique présent dans les États du Nord, pourtant plus progressistes. Une lutte qui servait surtout de prétexte au gouvernement pour faire taire les mouvements de protestation contre le lynchage des personnes de couleur. Et dont la chanteuse se faisait l’écho avec sa chanson polémique « Strange Fruit », aux paroles qui décrivaient métaphoriquement un lynchage racial. Un titre qu’elle se refusait à enlever de son répertoire provoquant l’ire des autorités et leur acharnement sur sa personne mais qui lui a aussi permis d’entrer dans la légende. Et le film rend bien compte de ce qu’a dû subir la chanteuse. Il faut avouer que Daniels n’y va pas avec le dos de la cuillère, oubliant parfois un peu la nuance et sombrant dans l’hagiographie mais sans tomber non plus dans l’abus. C’est compensé par une reconstitution soignée de l’époque et des scènes de show très belles à regarder même si un peu trop nombreuses.
Au-delà de toute critique et clairement impressionnante, Andra Day sublime le film de sa composition inspirée et inspirante de la chanteuse de jazz. Totalement inconnue, l’actrice crève l’écran comme jamais et le film lui doit énormément. Si la première partie du long-métrage apparait parfois un peu répétitive alignant trop de séquences de cabaret, la seconde semble plus assurée. Daniels ose des idées de mise en scène très réussies, comme lorsque l’agent du FBI prend de l’héroïne. Une très belle scène onirique permettant de comprendre l’enfance de la chanteuse à travers les yeux de cet homme qui la courtise. Ou encore cette scène déchirante, certainement la plus forte du film, quand Billie découvre un lynchage dans le Sud. Une véritable leçon de mise en scène et un moment dur mais très poignant. Et plus les minutes passent, plus le portrait se fait dense et plus on accroche à cette œuvre qui remet en lumière une sacrée personnalité artistique de l’époque. « Billie Holiday, une affaire d’état » n’oublie pas pour autant de rappeler certains aspects du racisme et de la ségrégation à l’heure où des plus en plus de comportements ont tendance à résonner comme de tristes échos du passé.
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