En voyage en Australie, les Américaines Hanna (Julia Garner) et Liv (Jessica Henwick) font face à un problème de taille lorsque leurs ressources financières sont soudainement à sec. Ces dernières doivent dès lors trouver du boulot pour renflouer leurs coffres si elles désirent poursuivre leur périple loin des tracas de la maison.
Étant donnée l'urgence de la situation, la seule option qui s'offre à elles est un travail de barmaid dans un pub d'une ville minière située au coeur de l'Outback.
Dirigé par Billy (Hugo Weaving) et sa femme Carol (Ursula Yovich), l'endroit est devenu un repère pour les travailleurs de la région où la bière, les comportements discutables et les commentaires sexistes coulent à flots.
Avec The Royal Hotel, la réalisatrice australienne Kitty Green (The Assistant) nous offre un suspense féministe particulièrement habile et efficace, dans lequel il n'est jamais question d'une menace directe, mais plutôt de l'impression et de la peur que celle-ci puisse se manifester à tout instant.
À travers ses deux têtes d'affiche, Green parvient à nous faire ressentir les craintes, la vulnérabilité, le poids des regards impudiques et l'inconfort général avec lesquels doivent composer les femmes sur une base régulière. En particulier lorsqu'une forte consommation d'alcool fait partie de l'équation.
La cinéaste offre dès lors deux points de vue opposés sur la situation. D'un côté, Hanna demeure continuellement sur ses gardes, prête à se défendre. De l'autre, Liv cherche à s'adapter à ce nouvel environnement en faisant peu de cas de l'attitude parfois déplacée, mais pas nécessairement dangereuse, de certains clients. Et leurs prédécesseures avaient elles aussi une tout autre vision des choses.
Au niveau de la gestion des lieux, c'est Carol qui mène le bal face aux clients et à son mari qui l'échappe de plus en plus. Et sa présence rappelle à tous qu'il y a une ligne à ne pas franchir. Mais elle aussi a ses limites. Et quand le chat n'est plus là...
Green donnera d'abord raison à Liv lors d'un périple en voiture avec un jeune gaillard peu doué pour laisser une bonne première impression, amenant Hanna à baisser sa garde et à se laisser aller davantage.
La relation de pouvoir entre la clientèle et les deux jeunes femmes est néanmoins illustrée avec aplomb et sans demi-mesure de par la manière dont celles-ci sont constamment encerclées par les habitués et confinées derrière le bar.
Le tout se déroule d'autant plus dans un décor en décrépitude, mal éclairé et bruyant que la cinéaste utilise à son plein potentiel pour créer une atmosphère tendue, et ainsi placer le spectateur dans les souliers de ses deux protagonistes.
The Royal Hotel n'est toutefois pas le film le plus nuancé qui soit, alors que l'ensemble des personnages ne sont finalement qu'accessoires au discours et à la prémisse de la réalisatrice. Un peu plus de développement à cet égard n'aurait définitivement pas fait de tort.
Ceci étant dit, l'ensemble de la distribution, en particulier Julia Garner et Hugo Weaving, campe à la perfection ces individus ne sachant pas sur quel pied danser, rongés par l'isolement et la solitude, ou n'ayant tout simplement pas reçu le mémo annonçant que nous étions désormais en 2023.
Le point final radical - mais précipité - se manifeste en ce sens comme un ras-le-bol d'une culture et d'un cercle vicieux qui doivent disparaître, et non être tolérés par souci de ne pas ajouter davantage d'huile sur le feu.
Les dérapages la précédant sont, certes, de convenance dans le cas présent. Et le récit était destiné à atteindre tôt ou tard un certain point d'ébullition. D'un autre côté, on n'a jamais fait d'omelette sans casser quelques oeufs...