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Une partie de campagne polonaise.
Attention, avant d’entrer dans la salle pour ce film formellement très particulier puisqu’on est dans une œuvre à mi-chemin entre le film en prises de vues réelles et le film d’animation. Et non ce n’est pas un film tel que « Space Jam » ou « Qui veut la peau de Roger Rabbit? » mêlant film dit normal avec acteurs auxquels des personnages animés s’ajoutent. Pour « La jeune fille et les paysans » c’est le procédé de la rotoscopie qui est utilisé et des films usant de cette technique du début à la fin sont très rares, ils se comptent même sur les doigts d’une main. Si ce n’est le film du touche-à-tout Richard Linklater avec Keanu Reeves et Robert Downy Jr. « A scanner darkly », sorti il y a près de vingt ans, notre mémoire ne voit pas d’autres exemples. Et bien le couple à la ville DK et Hugh Welchman réitère le coup après leur enquête entre documentaire et fiction, « La Passion Van Gogh », sauf qu’ici c’est à une œuvre de fiction qu’ils apposent ce procédé. Avec la rotoscopie, on tourne un long-métrage normalement puis on lui applique cette technique qui consiste à relever image par image les contours des figures humaines, des décors ou encore objets pour les retranscrire en film d’animation. Et le résultat accouche d’un rendu singulier, à la fois beau et étrange, comme si des tableaux s’animaient. Et sur une histoire telle que celle-là, prenant place dans la campagne polonaise de la fin du XIXème siècle et suivant une année au fil des saisons, le résultat est visuellement époustouflant et unique. Chaque plan ressemble à un tableau de Monet ou de Van Gogh, alternant les couleurs selon les saisons et multipliant les cadrages variés pour diversifier la proposition.
La technique est tellement troublante que, parfois, semble sortir de ces simili peintures animées un œil en prise de vues réelles lors d’un regard trop bien travaillé ou un arbre comme oublié lors de la transformation de la pellicule brute à l’animation. Comme c’est rare et presque inédit, on ne peut nier qu’on trouve cela sublime. Si régulièrement de nombreuses œuvres franchissaient le pas, on serait peut-être moins emballé. Et c’est là que cet exercice de style trouve ses limites. L’adaptation de ce pavé de la littérature polonaise (« Les paysans » de Wadyslaw Reymomd) était parfaite pour se livrer à ce procédé mais il se heurte à sa propre magnificence esthétique. En effet, le sujet du long-métrage, entre critique du patriarcat, bêtise humaine et féminisme en avance sur son temps, (et tout cela fondu dans une histoire de querelle et de romance paysanne), était fort. Et propice à nous émouvoir, nous révolter et nous toucher. Mais le procédé en lui-même annihile une bonne partie des émotions. Difficile de rentrer dans cet univers alors que l’animation ne le rend pas tangible. Pourtant, on sent pointer le drame ou l’horreur de certaines situations mais on demeure hermétique, faute de passion. Et quand bien même on s’émerveille à chaque seconde, « La jeune fille et les paysans » s’avère froid et désincarné. Une œuvre plastique dans toute sa splendeur donc mais dont on aimerait bien voir la version filmée normalement. Une seconde vision par un autre prisme qui pourrait être complémentaire à celle-ci en nous plongeant vraiment dans les campagnes polonaises et paysannes d’antan. En tout cas, cela demeure une proposition rare et de toute beauté.
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