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Fast food indé.
On ne va pas se mentir, on est en plein dans ce qu’on pourrait appeler l’essence du cinéma indépendant américain d’antan (celui propulsé par le festival de Sundance and co.). Sauf que ce type de cinéma, presque devenu une caricature de lui-même avec le temps, a eu une facheuse tendance à ne pas savoir se renouveler. A radoter. Il a donc commencé à muter depuis une petite dizaine d’années grâce à des auteurs innovants de différents styles, horizons et inspirations. De Noah Baumbach (« Marriage Story ») à Greta Gerwig (« Frances Ha »), de Wes Anderson (« The Grand Budapest Hotel ») aux frères Safdie (« Uncut Gems ») ou encore de Derek Cianfrance (« The Place beyond the Pines ») à J.C. Chandor (« Margin Call »), la liste est longue. Même le cinéma de genre a trouvé sa branche indépendante avec des cinéastes comme Ari Aster et Robert Eggers dont nous parlons souvent ici. C’est donc comme si ce « The last shift » n’avait pas tenu compte de l’évolution du sérail dont il est issu et qu’il était resté bloqué dans les années 90 ou au début des années 2000, mais sans le charme rétro inhérent à cette période. Et ce constat est tout autant valable pour le fond que pour la forme, à quelques thématiques abordées près (racisme, retraites, ...).
Ce film serait donc presque déjà périmé s’il ne pouvait compter sur un duo attachant au possible composé de deux acteurs plus que convaincants et dont l’association est probante et touchante, chacun avec ses problèmes, ses désenchantements et sa vie ratée/brisée. Richard Jenkins est un second couteau régulier du cinéma américain. Il avait eu son heure de gloire avec « The Visitor », une œuvre du même acabit qui lui avait valu une nomination à l’Oscar du meilleur acteur il y a une bonne dizaine d’années. Malheureusement, les vicissitudes d’Hollywood ont eu raison de sa carrière au premier plan et il n’a jamais su transformé l’essai, s’étant vite fait relégué de nouveau aux seconds rôles et prestations de support. C’est donc plaisant de retrouver cet excellent acteur à la tête de Monsieur tout le monde dans un premier rôle où il excelle aux côtés d’un jeune premier qui ne démérite pas. Ils sont justes ainsi que leurs rapports. Et le scénario (et donc les dialogues faisant suite aux sujet abordés) tout comme la relation qu’il illustre sont un des bons points de « The last shift ».
On aurait pu croire qu’un film dont les trois quarts se passent dans un vieux fast-food serait peu attirant mais finalement cela lui donne un certain charme et s’avère dépaysant pour qui ne connaît pas l’envers du décor. On avait déjà vu le thriller « Compliance » qui abordait le thème du vol et de la délation dans un suspense très bien négocié ou la comédie satirique « Fast Food Nation » mais ce n’est pas un contexte très courant pour un décor principal. Au final, ce sont les nuances de gris qui prévalent durant cette chronique. Ni vraiment drôle malgré quelques séquences amusantes, ni vraiment dramatique en dépit d’une tonalité triste et de la grisaille ambiante, ce film sur la vie de petites gens pourrait certes être totalement inintéressant et interchangeable sans sa finesse d’écriture et ses acteurs. Ajoutons que le film est court et rythmé et que l’on ne s’ennuie pas. Alors pourquoi ne pas goûter de nouveau à ce cinéma si adulé il y a encore une quinzaine d’années et de profiter du plaisir de découvrir un grand acteur mésestimé?
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