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Tatie Devil.
La pomme ne tombe jamais bien loin de l’arbre, c’est bien connu. Et Max et Sam Eggers, frères jumeaux à la tête de ce « The Front Room », sont bien les frères du désormais incontournable Robert Eggers, cinéaste phare du nouveau courant à la mode de l’elevated horror comme Ari Aster et qui nous a offert « The Witch », « The Lighthouse » et bientôt la nouvelle mouture de « Nosferatu ». Et les jumeaux partagent en effet la même sensibilité pour les œuvres étranges, angoissantes et peu communes. Mais si « The Front Room » débute comme bon nombre de films fantastiques et/ou horrifiques à tendance occulte avec cette mamie dévote qui emménage dans la maison de son beau-fils et de sa future épouse enceinte en développant une attirance bizarre pour le futur bébé, il sera plus retors et surprenant que prévu. Notamment en se révélant bien plus un suspense à l’ambiance macabre et malaisante teinté d’un humour (très) noir que d’une œuvre véritablement fantastique. Le film s’avèrera finalement ancré dans le réalisme et juste décalé par ses débordements humoristiques incongrus qui lorgnent vers l’épouvante.
Et ce fameux personnage de grand-mère envahissante et effrayante fera date. La sexagénaire Kathryn Hunter s’accapare ce rôle de psychopathe avec un aplomb sacrément mémorable. Dans son atmosphère sombre, sa tonalité pince-sans-rire (presque cocasse) porté par ce personnage de senior dérangée plutôt extrême, « The Front Room » fait penser à « The Visit » de M. Night Shyamalan avec qui il partage le même type de menace, un registre s’inscrivant de loin dans le genre horrifique et des notes d’humour gérontophiles parfois osées (vous ne verrez plus jamais votre grand-mère de la même manière après ce film). Et si on devait se rappeler au bon souvenir d’une mamie difficile, on peut dire que la « Tatie Danielle » d’Etienne Chatilliez du film éponyme est battue à plate coutures. Entre l’incontinence, les flatulences, les délires sur Dieu, la vulgarité et les poses provocantes, la Solange du film est un modèle de folie écœurante, surprenante et jouissive Et ces sorties de route mettant en scène cette mamie déjantée et qui fout la trouille sont adroitement maîtrisées. Et c’est là la réussite du premier long-métrage des jumeaux Eggers : parvenir à opérer des virages vers la comédie noire et burlesque dans un cadre angoissant. Et cela fonctionne car cette mamie nous fait autant rire que peur.
On apprécie aussi leur science de la mise en scène. Dès le générique, la musique inquiétante nous cueille et les cadrages biscornus et travaillés des premières scènes nous immergent dans une ambiance proche du film d’épouvante à tendance maison hantée ou sectes occultes. La première apparition de la fameuse Solange est un modèle de présentation et tous les plans très esthétisants et destinés à nous plonger dans une sorte de méfiance par la suite au sein de ce qui devient un huis-clos à trois personnages sont impeccables. La chanteuse Brandy Norwood tient la dragée haute face à l’ouragan Kathry Hunter et le rebondissement final et sa conclusion amorale au possible sont particulièrement plaisants. Après il est clair que « The Front Room » n’invente pas la roue, s’avère peut-être un peu court et uniquement centré sur la relation entre cette grand-mère, ses délires et le couple qui l’héberge mais il est assez surprenant et éloigné du tout venant des films de genre en prenant justement le spectateur par surprise sur ce qu’il va proposer. Et nous conquiert. Certains seront déçus de l’absence de réelle horreur mais c’est assez affreusement drôle, osé et radical comme proposition pour être remarquable.
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